ZONE A

17 février 2013

Réponse de Malatesta à Nestor Makhno

Filed under: Textes et Documents — R&B @ 10 h 47 min

Extrait de Errico Malatesta THE ANARCHIST REVOLUTION Polemical Articles 1924-1931
Edité et préfacé par Vernon Richards
Freedom Press London 1995

Cher camarade,

J’ai finalement eu la lettre que tu m’as envoyé il y a plus d’un an, au sujet de ma critique du projet d’organisation d’une Union Générale des anarchistes, publié par un groupe d’anarchistes russes à l’étranger et connu dans notre mouvement sous le nom de « Plateforme » .

En sachant ma situation comme c’est le cas, tu as certainement compris pourquoi je n’ai pas répondu.

Je ne peux pas participer comme je le voudrais aux discussions sur les questions qui nous intéressent le plus, parce que la censure m’empêche de recevoir à la fois les publications qui sont considérées comme subversives ou les lettres qui traitent de sujets politiques ou sociaux, et seulement après de longs délais, ai-je la chance hasardeuse d’entendre les lointains échos de ce que disent et font les camarades
Par conséquent, je sais que la « Plateforme » et mes critiques de celle-ci ont été largement débattues, mais je ne sais rien ou très peu de ce qui a été dit; et ta lettre est le premier document écrit sur le sujet que j’ai réussi à avoir.

Si nous pouvions correspondre librement, je t’aurais demandé avant que d’entamer la discussion, de clarifier tes vues, qui, peut-être à cause d’une traduction imparfaite du russe vers le français, me semblent quelque peu obscures. Mais les choses étant ce qu’elles sont, je répondrai à ce que j’ai compris et j’espère que je pourrai ensuite avoir ta réponse.
Tu es surpris que je n’accepte pas le principe de responsabilité collective, que tu crois être un principe fondamental qui guide, et doit guider, les révolutionnaires du passé, du présent et du futur.
Pour ma part, je m’étonne que la notion de responsabilité collective puisse même franchir les lèvres d’un anarchiste.
Je sais que les militaires ont l’habitude de décimer les régiments de soldats rebelles ou de soldats qui se sont mal comportés face à l’ennemi, en les fusillant sans distinction. Je sais que les chefs des armées n’ont aucun scrupule à détruire des villages ou des villes et à massacrer leur population entière, y compris les enfants, parce que quelqu’un a essayé de résister à l’ invasion. Je sais que, à travers les âges, les gouvernements ont, de plusieurs façons, menacé de, et appliqué, le système de responsabilité collective, pour mettre un frein aux rebellions, imposer des impôts, etc. Et je comprends que cela pourrait être des moyens efficaces d’intimidation et d’oppression.

Mais comment des personnes qui combattent pour la liberté et la justice peuvent parler de responsabilité collective alors qu’elle ne peuvent être concernées que par la responsabilité morale, que des sanctions matérielles s’ensuivent ou non?! ! !

Si, par exemple, dans un conflit avec une force armée, l’homme à côté de moi agit comme un lâche, cela peut me nuire comme nuire à tout le monde, mais le déshonneur ne peut être que le sien pour son manque de courage à remplir la tâche qu’il s’était attribué. Si, dans un complot, un comploteut trahit et envoie ses compagnons en prison, les personnes trahies sont-elles responsables de la trahison?
La ‘Plateforme’ dit : ‘ l’Union toute entière sera responsable de l’activité révolutionnaire et politique de chaque membre; de même, chaque membre sera responsable de l’activité révolutionnaire et politique de toute l’Union’

Cela peut-il être conciliable avec les principes d’autonomie et de libre initiative professées par les anarchistes? J’ai répondu alors « Mais si l’Union est responsable de ce que fait chacun de ses membres, comment laisser à chaque membre en particulier et aux différents groupes la liberté d’appliquer le programme commun de la façon qu’ils jugent la meilleure? Comment peut-on être responsable d’un acte si l’on a pas la faculté de l’empêcher? Donc l’Union, et pour elle le Comité exécutif, devrait surveiller l’action de tous les membres en particulier, et leur prescrire ce qu’ils ont à faire ou à ne pas faire, et comme le désaveu du fait accompli n’atténue pas une responsabilité formellement acceptée d’avance, personne ne pourrait faire quoi que ce soit avant d’en avoir obtenu l’approbation, la permission du Comité. Et, d’autre part, un individu peut-il accepter la responsabilité des actes d’une collectivité avant de savoir ce qu’elle fera, et comment peut-il l’empêcher de faire ce qu’il désapprouve ? (2)

Bien sûr, j’accepte et soutient l’idée que quiconque s’associe et coopère avec d’autres dans un but commun doit être conscient de la nécessité de coordonner : ses actions avec celles de ses camarades, et ne rien faire qui nuise au travail des autres et à la cause commune, par conséquence; et respecter l’accord qui a été conclu – excepté en cas de souhait sincère de quitter l’association lorsque émergent des différences d’opinion ou des changements de circonstances , ou encore un conflit sur les méthodes privilégiées qui rend toute coopération impossible ou inadéquate. Tout comme je maintiens que ceux qui ne sont pas d’accord ou ne pratiquent pas ces devoirs doivent être exclus de l’association.

Peut-être qu’en parlant de responsabilité collective, tu entendais précisément l’accord et la solidarité qui doivent exister au sein des membres d’une association. Si cela est le cas, ton expression équivaut à un usage incorrect de la langue, mais ne serait qu’en réalité, une question secondaire de terme et nous tomberions rapidement d’accord.

La question réellement importante que tu soulèves dans ta lettre concerne la fonction (le rôle) des anarchistes dans le mouvement social et les moyens de le mettre en oeuvre C’est la question des fondements, de la raison d’être de l’anarchisme et nous devons d’être clairs sur ce que nos voulons dire.

Tu demandes si les anarchistes (dans le mouvement révolutionnaire et dans l’organisation communiste de a société) assumeraient un rôle de direction et donc de responsabilité ou se contenteraient d’être des auxiliaires sans responsabilité.

Ta question me laisse perplexe, du fait de son manque de précision. Il est possible de diriger à travers des avis et des exemples, en laissant les gens – ayant les opportunités et les moyens de satisfaire leurs propres besoins par eux-mêmes – de choisir leurs méthodes et leurs solutions si elles sont, ou semblent être, meilleures que celles suggérées et expérimentées par d’autres.
Mais il est aussi possible de diriger en saisissant les commandes, c’est à dire en devenant un gouvernement et d’imposer ses propres idées et intérêts par le biais de méthodes policières.
Vers quelle voie veux tu te diriger?

Nous sommes anarchistes parce que nous pensons que un gouvernement (tout gouvernement) est mauvais, et qu’il n’est pas possible d’obtenir la liberté, la solidarité et la justice sans liberté. Nous ne pouvons donc pas aspirer à un gouvernement et nous devons faire tout notre possible pour empêcher d’autres -classes, partis o individus – de prendre le pouvoir et de devenir des gouvernements.
La responsabilité des dirigeants, une notion à travers laquelle il me semble, tu veux t’assurer que les masses soient protégées de leurs propres abus et erreurs, ne signifie rien pour moi. Ceux qui sont au pouvoir ne sont pas vraiment responsables, excepté lorsqu’ils sont confrontés à une révolution, et nous ne pouvons pas faire une révolution tous les jours, et généralement cela n’arrive qu’après que le gouvernement a fait tout le mal qu’il pouvait.

Tu comprendras que je suis loin de penser que les anarchistes devraient se contenter d’être les simples auxiliaires d’autres révolutionnaires, qui, n’étant pas anarchistes, aspirent naturellement à devenir le gouvernement.

Au contraire, je crois que nous, anarchistes, convaincus de la validité de notre programme, devons faire tout notre possible pour acquérir une influence prépondérante afin de tirer le mouvement vers la réalisation de nos idéaux. Mais une telle influence doit être gagnée en faisant plus et mieux que les autres, et ne sera utile que si elle est gagnée de cette façon. .
Aujourd’hui, nous devons approfondir, développer et propager nos idées et coordonner nos forces dans une action commune. Nous devons agir au sein du mouvement ouvrier pour éviter qu’il soit bridé et corrompu par la recherche exclusive de petites améliorations compatibles avec le système capitaliste ; et nous devons agir d’une manière qui contribue à préparer à une transformation sociale complète. Nous devons travailler avec les masses inorganisées, et peut-être inorganisables, pour éveiller l’esprit de révolte, le désir et l’espoir d’une vie libre et heureuse. Nous devons initier et soutenir tous les mouvements qui visent à affaiblir les forces de l’Etat et du capitalisme et à élever le niveau intellectuel et matériel des conditions de vie des travailleurs. Nous devons, en résumé, préparer et nous préparer, moralement et matériellement, à l’acte révolutionnaire qui ouvrira la voie du futur.

Et puis, pendant la révolution, nous devons prendre une part énergique (si possible avant et plus efficacement que les autres) dans la lutte matérielle essentielle et la conduire vers la limite ultime en détruisant toutes les forces répressives de l’Etat. Nous devons encourager les ouvriers à prendre le contrôle des moyens de production (terres, mines, usines, ateliers, moyens de transport, etc) et des stocks de biens manufacturés; organiser immédiatement,une distribution équitable des biens de consommation et, en même temps, fournir les produits nécessaires au commerce entre communes et régions pour la continuité et l’intensification de la production et de tous les services utiles à la population.

Nous devons, de toutes les manières possibles et selon les circonstances locales et opportunités, promouvoir l’actions des associations de travailleurs, les coopératives, les groupes – pour empêcher l’émergence de nouveaux pouvoirs autoritaires, de nouveaux gouvernements, en nous y opposant par la violence si nécessaire,mais par dessus tout, en les rendant inutiles . Et là où nous ne trouverons pas de consensus suffisant parmi la population et ne pourrons pas éviter le rétablissement de l’Etat avec ses institutions autoritaires et ses corps coercitifs, nous devons refuser d’y participer et de le reconnaitre , en nous rebellant contre son imposition et demander une pleine autonomie pour nous-mêmes et pour toutes les minorités dissidentes. En d’autres termes, nous devons rester dans notre état de rébellion actuel ou potentiel, dans l’impossibilité de gagner dans le présent, nous devons au moins nous préparer pour l’avenir .

Est-ce cela que tu veux dire part le rôle que les anarchiste devraient jouer dans la préparation et le déroulement de la révolution?
De ce que je connais de toi et de ton travail, je serais enclin à le croire.

Mais, lorsque je vois que dans l’Union que tu soutiens, il existe un Comité Exécutif pour donner une orientation idéologique et organisationnelle à l’association, je suis assailli par le doute que tu aimerais voir aussi, au sein du mouvement général, un corps central qui dicterait, de manière autoritaire, le programme théorique et pratique de la révolution.

Si il en est ainsi, nous sommes aux antipodes l’un de l’autre.

Ton organisation, ou tes organes de direction, peuvent bien être composées d’anarchistes, mais elles ne deviendraient rien d’autre qu’un gouvernement. En croyant, en toute bonne foi, qu’ils sont nécessaires au triomphe de la révolution,il s’assureraient, en priorité, d’être suffisamment bien placé et assez forts pour imposer leur volonté. Ils créeraient par conséquent des corps armés pour la défense matérielle et une bureaucratie pour relayer leurs consignes, et, ce faisant, ils paralyseraient le mouvement populaire et tueraient la révolution.
C’est ce qui, je pense, est arrivé aux bolchéviques.

C’est pourquoi je pense que le principal n’est pas la victoire de nos plans, nos projets, nos utopies, qui de toute façon ont besoin de la confirmation de l’expérience et peuvent être modifiés par celle-ci, développés et adaptés selon les conditions morales et matérielles réelle selon les lieux et les époques. Ce qui importe le plus, c’est que la population, hommes et femmes, perdent leurs habitudes et instincts moutonniers que des milliers d’années d’esclavage leur ont instillé et qu’elle apprenne à penser et à agir librement.

Et c’est à cette grande tâche de libération morale que les anarchistes doivent se consacrer spécialement. .

Je te remercie de l’attention que tu as accordé à ma lettre et, dans l’espoir d’avoir à nouveau de tes nouvelles, je t’envoie mes cordiales salutations.

Errico Malatesta
Risveglio (Geneva), Décembre 1929

—————————
NDT
1. Pendant les premières années du gouvernement fasciste en Italie, de 1924 à 1926, Malatesta continue à publier le journal clandestin Pensiero e Volontà. ,malgré la censure. Puis il sera surveillé en permanence et condamné à s’isoler des mouvements anarchistes.
2. Un projet d’organisation anarchique Errico Malatestahttp://www.nestormakhno.info/french/mal_rep1.htm

J’ignore si il y a eu une suite à la correspondance entre Makhno et Malatesta. Je n’en ai pas trouvé trace.

À propos de la Plate-forme. Lettre à Errico Malatesta de Nestor Makhno. 1928

Filed under: Textes et Documents — R&B @ 10 h 43 min

La Plate-forme d’organisation d’une Union Générale des Anarchistes est un mode d’organisation anarchiste proposé par le groupe des anarchistes russes à l’étranger, paru le 20 juin 1926 dans la revue Dielo Trouda. http://www.nestormakhno.info/french/platform/org_plat.htm
En octobre 1927, Errico Malatesta publie dans Le Réveil Anarchiste une réponse à la plate-forme intitulée Un projet d’organisation anarchique.http://www.nestormakhno.info/french/mal_rep1.htm Suite à la publication de cet article, Makhno écrivit une lettre à Malatesta À propos de la Plate-forme, 1928 [Texte traduit ci-dessous] dans laquelle il défend le principe de responsabilité collective comme étant une preuve que l’anarchisme peut être un guide pour les travailleurs en période révolutionnaire.
Et la réponse de Malatesta, qui suit.
—————————————————————————————————–
Source :
Extrait de Errico Malatesta THE ANARCHIST REVOLUTION Polemical Articles 1924-1931
Edité et préfacé par Vernon Richards
Freedom Press London 1995
Cher camarade Malatesta,
J’ai lu ta réponse au projet de plateforme d’organisation d’une Union Générale des Anarchistes, un projet publié par le groupe des anarchistes russes à l’étranger.

Mon impression est que soit tu as mal compris le projet de « plateforme », sois que ton refus de reconnaître la responsabilité collective dans l’action révolutionnaire et le rôle d’orientation que les forces anarchistes doivent jouer, découlent d’une profonde conception de l’anarchisme qui te conduit à ne pas prendre en compte ce principe de responsabilité .

C’est, cependant, un principe fondamental, qui guide chacun d’entre nous dans notre façon de comprendre l’idée anarchiste, dans notre détermination à ce qu’elle pénètre les masses, dans son esprit de sacrifice. C’est grâce à lui qu’un homme peut choisir la voie révolutionnaire et ignorer les autres. Sans lui, aucun révolutionnaire n’aurait la force nécessaire, la volonté ou l’intelligence de supporter le spectacle de la misère sociale, et encore moins de la combattre. C’est à travers l’inspiration de la responsabilité collective que les révolutionnaires de tous bords et de toutes tendances ont uni leurs forces; c’est sur cela qu’ils ont fondé leurs espoirs que leurs révoltes fragmentaires – révoltes qui ont ouvert la voie aux opprimés – ne l’ont pas été en vain, que les opprimés comprendraient leurs aspirations, en tireraient les enseignements appropriés à leur époque et les utiliseraient pour trouver de nouvelles voies vers leur émancipation.

Toi-même, cher Malatesta, reconnaît la responsabilité individuelle de l’anarchiste révolutionnaire. Et, qui plus est, tu y as prêté ton concours à travers ta vie de militant. Du moins, c’est comme cela que j’ai compris tes écrits sur l’anarchisme. Mais tu nies la nécessité et l’utilité de la responsabilité en ce qui concerne les tendances et les actions du mouvement anarchiste dans son ensemble. La responsabilité collective t’inquiète; alors tu la rejettes.

Pour ma part, ayant l’habitude d’être exposé pleinement aux réalités de notre mouvement, ton déni de la responsabilité collective me frappe, non seulement parce qu’il est sans fondement, mais qu’il est aussi dangereux pour la révolution sociale, dont tu serais bien avisé de prendre en compte l’ expérience quand arrive le moment de mener une bataille décisive contre tous nos ennemis en même temps. Aujourd’hui, mon expérience des luttes révolutionnaires du passé me conduit à penser que, quelque soit l’ordre du déroulement des évènements révolutionnaires, on a besoin de donner d’importantes directives, à la fois idéologiques et tactiques. Cela signifie que, seul, un esprit collectif, intelligent et dévoué à l’anarchisme, peut satisfaire aux besoins de ce moment-là, à travers une volonté responsable collective. Aucun d’entre nous n’a le droit d’esquiver cette part de responsabilité. Au contraire, si cela a été jusqu’à maintenant ignoré parmi les rangs des anarchistes, cela doit devenir aujourd’hui, pour nous anarchistes communistes, un article de notre programme théorique et pratique.
Seuls, l’esprit collectif de ses militants et leur responsabilité collective permettront à l’anarchisme moderne d’éliminer de ses milieux l’idée, historiquement fausse, que l’anarchisme ne peut pas être un guide, ni en terme d’idéologie, ni en pratique – pour la masse des travailleurs dans une période révolutionnaire et, par conséquent, ne pourrait pas inclure une responsabilité globale .

Je ne m’attarderai pas, dans cette lettre, sur les autres points de ton article contre le projet de « plateforme », comme celui où tu vois une « église et une autorité sans police ». J’exprimerai seulement ma surprise de te voir utiliser un tel argument dans ta critique. J’y ai réfléchi longuement et je ne peux pas accepter ton opinion.

Non, tu as tort. Et parce que je ne suis pas d’accord avec ta réfutation, en utilisant des arguments trop faciles, je pense que je suis en droit de te demander:

I. L’anarchisme devrait-il prendre quelques responsabilités dans la lutte des travailleurs contre leurs oppresseurs, le capitalisme et son serviteur, l’Etat?
Si non, peux-tu me dire pourquoi? Si oui, les anarchistes doivent-ils travailler à permettre à leur mouvement d’exercer une influence sur la même base que l’ordre social ?
2. L’anarchisme peut-il, dans l’état de désorganisation actuel, exercer une quelconque influence, idéologique ou pratique, sur la situation sociale et la lutte de la classe ouvrière?
3. Quels sont les moyens que devraient adopter l’ anarchisme, en dehors de la révolution, et quels sont les moyens dont il peut disposer pour prouver et affirmer ses concepts constructifs ?
4. Est-ce que l’anarchisme a besoin de ses propres organisations permanentes, liées étroitement entre elles par l’unité d’objectifs et d’actions pour atteindre ses buts?
5. Qu’est-ce que les anarchistes entendent par établir des institutions en vue de garantir le libre développement de la société?
6. Est-ce que l’anarchisme , dans une société communiste qu’il conçoit, peut se passer d’institutions sociales? Si oui, par quels moyens? Si non, lesquelles devrait-il reconnaitre et sous quels noms les créerait-il? Les anarchistes y joueraient-ils un rôle déterminant, donc de responsables, ou se contenteraient-ils d’être des auxiliaires sans responsabilité?

Ta réponse, cher Malatesta, revêtira une grande importance pour moi pour deux raisons. Elle me permettra de mieux comprendre ta façon de voir les choses en ce qui concerne les questions d’organisation des forces anarchistes et du mouvement en général. Et, soyons francs, ton opinion est immédiatement acceptée par la plupart des anarchistes et sympathisants sans aucune discussion, comme celle d’un militant expérimenté qui est resté fidèle,sa vie durant, à son idéal libertaire. Par conséquent, de ton attitude dépend, dans une certaine mesure, si une étude complète des questions urgentes que pose cette époque à notre mouvement sera entreprise, et donc, si son cours sera ralenti ou fera un nouveau bond en avant. En stagnant dans le passé et le présent, notre mouvement n’ y gagnera rien. Au contraire, il est essentiel que, compte tenu des événements qui se profilent devant nous, il se donne toutes les chances de remplir son rôle.

J’attache beaucoup d’importance à ta réponse.
Salutations révolutionnaires

Nestor Makhno

15 février 2013

Notre Anarchisme

Filed under: Textes et Documents — R&B @ 10 h 31 min

First of May Anarchist Alliance
Janvier 2011

Durant cette dernière année le Groupe du Michigan-Minnesota Group a commencé à se réorganiser à partir d’un groupe d’affinité de longue date en une organisation de lutte anarchiste, First of May Anarchist Alliance (M1). Nous avons pour but de construire une organisation anarchiste transcontinentale qui soit ferme sur les principes anarchistes de base, adaptable aux terrains changeant des luttes avec un esprit ouvert aux nouvelles idées , influences et techniques. Nous avons l’intention de participer à une variété de formations anti-autoritaires et anarchistes tout en développant notre propre travail indépendant dans des domaines plus larges. Nous avons quelques centres d’intérêts et points de vue qui justifient une existence organisée indépendante de tout groupe existant .

Le présent document n’est en aucune manière une élaboration exhaustive ou détaillée de nos vues. Son but est de faire comprendre d’où nous venons..

L’affinité au sein de M1 est construite autour de quatre principes :
1) un engagement vis à vis de la révolution
2) une orientation prolétarienne
3) un anarchisme non-doctrinaire
4) une approche non sectaire et à plusieurs niveaux de l’organisation

REVOLUTION: L’anarchisme n’est pas seulement l’action directe, la décentralisation et l’opposition au capital, à l’état et à toute une gamme d’oppressions. Il ne s’agit pas simplement de lutter pour s’assurer que les pratiques et les procédés des mouvements dont nous faisons partie reflètent nos valeurs libertaires et égalitaires. Il faut aussi placer “Révolution” dans les nombreuses discussions et débats sur où va la société.

Renverser le système est depuis longtemps un impératif moral étant donné les ravages qu’il a déjà causé sur la Planète et ses habitants. Aujourd’hui, un saut radical vers une société alternative est devenue un acte d’autodéfense social et écologique d’une nécessité absolue. Nous devons nous ouvrir de cette constatation auprès de nos collègues de travail, nos voisins, nos camarades d’école et nos camarades et amis au sein des mouvements sociaux. C’est ce besoin de révolution qui, en partie, motive nos sentiments de solidarité. C’est le but, le programme et le plan qui incitent à nos nombreux actes de résistance.

Nous devons tous nous mesurer au problème de soulever la question de la révolution dans nos vies et notre militantisme de tous les jours. Ce n’est pas facile de le faire d’une manière qui ne semble pas fantaisiste, délirante ou artificielle. La présente période est marquée par des niveaux de lutte relativement bas et intermittentes ainsi que par un faible degré de conscience politique. Il y a eu une pression constante pour minimiser les aspects les plus radicaux et maximalistes de notre projet politique. Face à cette tendance au conservatisme, nous nous sommes engagés dans l’élaboration d’une conception plus détaillée et populaire de la révolution anti-autoritaire et du rôle des anarchistes révolutionnaires dans sa réalisation.

La probabilité d’une rupture franche avec l’ordre établi a augmenté. Deux guerres ruineuses en Irak et en Afghanistan; Katrina, la marée noire dans le golfe causée par BP; l’effondrement boursier, la crise des hypothèques, et la sévère récession qui a suivi, (et toute une série d’autres calamités et crimes) ont fait que la confiance dans le système et les élites d’un grand nombre de personnes de gauche, du centre et de droite a été sérieusement ébranlée.

Une réelle dégradation entrainera la montée de mouvements de masse naissants de droite comme de gauche. Les prémisses se manifestent déjà dans les mobilisations/ contre mobilisations et débats autour des questions de couvertures de santé, de l’immigration et de la culture/religion (en particulier les attaques politiques et physiques contre les Musulmans).

Ces évolutions présentent des dangers comme des opportunités pour l’action. Nous ne pouvons pas nous contenter de faire simplement confiance au cours des évènements pour décider la gauche au sens large du terme à attaquer les racines mêmes du système ou à adopter une orientation réellement anti-autoritaire. Nous ne pouvons pas confiner notre rôle à mettre les gens en mouvements autour de leurs intérêts immédiats et à faire confiance à une logique inexistante des luttes pour nous conduire vers des résultats toujours plus radicaux et anti-autoritaires.

Une stratégie progressive de gauche « un pas à la fois » ne suffira pas. Nous devons mener ouvertement une lutte pour une issue révolutionnaire et anarchiste ici et maintenant si l’on veut qu’un jour il y a une avancée dans cette direction.

UNE ORIENTATION:DE CLASSE Nous voulons un mouvement anarchiste orienté vers et enraciné dans la classe ouvrière et les secteurs les plus défavorisés de la société. La classe ouvrière à le potentiel pour, à la fois, ébranler et remodeler la société. Nous ne nions pas les capacités, les préoccupations ou les contributions des autres couches sociales – mais une classe ouvrière forte est nécessaire au sein de toute transformation sociale égalitaire et libératrice.

Si la classe ouvrière doit être une force libératrice, un nombre non négligeables de ses membres doivent se détourner du concept de défendre ou de restaurer l’existence précaire d’une « classe moyenne » (En d’autres termes, combattre pour la ré-insertion dans une composition sociale et environnementale qui se révèle de plus en plus insoutenable . Au lieu de cela, nous devons privilégier une organisation de la classe ouvrière qui encourage et défend les luttes et l’auto-organisation de tous les exclus et opprimés dans le combat pour une société alternative.

Les anarchistes doivent se donner de plus en plus de moyens pour aider à faire naitre une telle évolution . Comme individus et collectifs, nous devons évaluer soigneusement les endroits où nous travaillons, vivons et nous organisons. Dans ces lieux, nous devons construire systématiquement nos relations personnelles et politiques à travers un engagement dans une variété de luttes, petites et grandes. Nous ne devons pas dévaluer les actes individuels de solidarité, de compassion, et d’amour. Inversement, nous n’accepterons pas passivement le manque d’intérêt pour nos idées plus larges ou controversées.

Nous devons rester étroitement impliqués dans la vie quotidienne et les débats parmi la base des ouvriers et des plus défavorisés. C’est pourquoi nous nous opposons à la tendance répandue d’occuper des postes de permanents salariés dans les syndicats et associations qui nous excluraient de la base et qui nous lieraient et nous rendraient dépendants d’une hiérarchie réformiste. De la même manière, même si nous avons besoin d’un mouvement qui comprend des intellectuels et artistes de qualité, nous devons rester sur nos gardes quant aux aspects négatifs du carriérisme académique et de l’isolement sous-culturel.

Notre priorité est de construire des réseaux personnels/politiques au sein de la classe ouvrière avec nos collègues de travail, nos voisins, nos camarades de classe, et leurs/nos familles et de créer des noyaux révolutionnaires au sein de ces réseaux. Les travailleurs disposent de nombreux liens familiaux et communautaires pour aider à une telle entreprise.

Un Mouvement Ouvrier

Armés de principes et de concepts anarchistes (et d’une bonne dose d’énergie et de créativité) nous devons essayer et faire renaitre une culture ouvrière de l’indépendance, de l’action directe et de la solidarité sur une échelle de plus en plus grande. Nous devons encourager divers modes d’auto-organisation et l’aménagement de stratégies alternatives/décentralisées pour résoudre les problèmes sociaux en dehors et comme contre pouvoirs des structures gouvernementales classiques.

Nous sommes pleinement conscients que cela impliquera une bataille difficile d’éducation d’agitation et d’organisation méthodiques.. L’objectif est un front uni anti-autoritaire de toutes les catégories de travailleurs salariés, d’immigrants, d’exclus urbains et ruraux qui peuvent être rassemblées – et qui regroupera autour de lui des artisans indépendants et salariés du secteur des services sympathisants, des petits commerçants et agriculteurs, des artistes, des personnels enseignants, des professionnels de la santé et des scientifiques. Cela se ferait à travers des conférences, des assemblées , des conseils et des luttes communes organisés en collaboration par toute une gamme d’organisations.

Si il réunit assez de nombre et de poids, un tel front commun pourrait agir comme un genre de point de ralliement social contre les classes capitalistes et politiques irresponsables et corrompues, les mouvements de droite nationalistes et racistes et la rupture générale des liens sociaux.

L’histoire du capitalisme est inextricablement lié à la suprématie blanche et au patriarcat et nous a laissé par conséquent un lourd héritage structurel d’inégalités dans l’économie et la société. Malgré quelques avancées sur le front de l’égalité professionnelle, l’évolution constante et le déclin de l’économie, liés à la négligence envers les structures sociales et éducatives , ont marginalisé de larges secteurs de la population, créant une classe toujours plus nombreuse d’exclus permanents. Les afro-américains, latinos et indiens américains ont été le plus lourdement frappés. La pauvreté continue à être largement « sexuée » envers les femmes et les enfants. Les luttes contre le patriarcat, le racisme et le capitalisme doivent devenir une seule et même lutte.

Une orientation de classe n’exclut pas ni ne néglige le besoin de mouvements autonomes de gens de couleur, femmes, LGBTI ou autres même si ils présentent un caractère de mixité sociale. Les anarchistes doivent être actifs dans ces organisations (et les soutenir), en travaillant à rendre cohérents les éléments les plus militants autour des revendications les plus radicales de ces mouvements aussi bien qu’à travers des alliances en vue d’actions directes avec une variété de luttes ouvrières et populaires.

Les Syndicats

Nous considérons que les syndicats institutionnels ont un double visage. D’un côté, au cours du temps, (et parfois dès le début) ils se sont intégrés dans le fonctionnement institutionnel du capitalisme, en devenant des partenaires fiables de la gestion économique et du théâtre politique des élites dirigeantes.. D’un autre côté, malgré cela (ou non) les syndicats préservent un espace d’où émergent les luttes des travailleurs, parfois muselées, parfois encouragées. Notre approche ne se limite donc pas à une seule tactique d’organisation.

Nous sommes opposés à la bureaucratie syndicale pro-capitaliste, n’avons aucune illusion quant aux mouvements venus « d’en haut » et rejetons donc une approche simpliste de « Construction des Syndicats ». Mais selon le lieu de travail, la branche professionnelle et le syndicat, nous comptons bien participer également au sein du syndicat, des mouvements de réforme du syndicalisme, des groupes « extra-syndicaux » ou de base, en tant que révolutionnaires et anarchistes. Nous devrons évaluer soigneusement toutes les propositions en vue de postes d’élus syndicaux, en étant clairs sur ce que nous essayons de mettre en place, sur ce que nous pourrons réellement accomplir et sur la durée du temps que nous y consacrerons.

Nous faisons également partie et soutenons la résurgence des I.W.W., Workers Centers,Workers Assemblies et autres organisations de travailleurs en dehors des syndicats institutionnels. Nous avons l’intention d’approfondir notre perspective quant au Mouvement Ouvrier dans un proche avenir.

POUR UN ANARCHISME NON-DOCTRINAIRE: Notre anarchisme est à la fois révolutionnaire et hétérodoxe.  Nous conservons une hostilité envers la politique conventionnelle. Nous nous opposons aux programmes et méthodes des bureaucraties des différents syndicats et mouvements, y compris de leurs variantes les plus à gauche. Nous ne sommes pas dupes des autoritaires de gauche, qui se vêtissent par opportunisme de costumes antiautoritaires mais qui n’ont pas sérieusement examiné leurs pratiques passées et présentes.

Synthèse Marxiste-Anarchiste? Il y a celles et ceux qui croient qu’une synthèse, sous une forme ou sous une autre, entre marxisme et anarchisme est nécessaire. D’autres sont attirés par le développement de différents courants conseillistes, autonomistes ou marxistes libertaires. Nous refusons cette approche. Il est indéniable que le marxisme a été le cadre dominant de gauche durant le siècle dernier. Nous devons apprendre de que nous pouvons à partir de la grande variété de penseurs et de combattants issus de cette tradition – mais de notre point de vue, le marxisme est trop corrompu par son noyau dur nettement centraliste, élitiste, déterministe et amoral pour offrir un cadre permettant la libération de la classe ouvrière et de l’humanité.

Nous engagerons le débat et la discussion et nous travaillerons avec les groupes et les membres sérieux et honnêtes des courants marxistes. Nous chercherons à clarifier les points communs et les différences, tout en défendant une approche et des positions anti-autoritaires. Nous aimerions bien évidemment recruter quelques marxistes au sein de notre programme anarchiste.

Nous pensons que la théorie et la pratique anarchistes doivent être renouvelées et approfondies. En même temps qu’il existe des limites et déficiences dans les domaines de la théorie et de la pratique, il existe aussi beaucoup d’éléments du passé et du présent de l’anarchisme à découvrir, peser et à partir desquels tirer des enseignements. Cette histoire est riche et continue à fournir une base solide pour la création d’un courant historique viable et un mouvement adapté aux luttes d’aujourd’hui.

Ce qui suit constitue à la fois notre appréciation sur différentes positions anarchistes ainsi que nos réflexions quant à différents sujets de débats au sein des anarchistes. C’est une tentative pour élargir les grandes lignes et le sens de notre vision des grandes traditions anarchistes. Ce qui suit représente à bien des égards à la fois les influences et nos points de départ.

L’Anarcho-syndicalisme. Il y a beaucoup à recommander dans l’anarcho-syndicalisme. Il présente une orientation ouvrière, un sens fort de l’organisation et il accorde, à juste titre, une grande importance à l’action directe et à la grève générale. Une des transformations les plus profondes de la société , la Révolution Espagnole, doit beaucoup au mouvement anarcho-syndicaliste.

Toutefois, l’anarcho-syndicalisme tend vers un réductionnisme de classe, un dogmatisme organisationnel (“Un Grand Syndicat”, “La CNT a été mon berceau, elle sera ma tombe”), et sous-estime les dimensions sociales, politiques et culturelles des luttes. Il a démontré , d’un côté, de fortes tendances vers le centralisme et le réformisme par étapes, et, de l’autre, un purisme isolationniste au sein du mouvement ouvrier.

L’évolution des systèmes industriels mondiaux ont affaibli mais pas éliminé l’anarcho-syndicalisme comme force potentielle Ceci dit, nous nous appuyons encore fortement sur ses meilleurs aspects. Des membres de M1 participent activement au sein des Industrial Workers of the World (I.W.W.)

Anarcho -Communisme. L’autre principale école de la tradition révolutionnaire anarchiste essaie d’avoir une vison plus holistique et une approche plus flexible de l’organisation . Il y a beaucoup à apprendre de ses pratiques, écrits et héroïsme aussi.

L’Anarcho-Communisme à ses débuts a été affaibli par sa vision trop optimiste d’une nature humaine « anarchiste » qui l’a conduit à la fois à des conclusions anti-organisations ( « C’est la rue qui nous organisera !”) et de propagande par l’action.

L’anarcho-communisme moderne, s’imbriquant largement avec le courant “Plateformiste”, penche de façon exagérée dans la direction opposée. Alors que leur sérieux organisationnel et leur engagement dans les luttes, sont exemplaires, il apparaît une influence de certaines habitudes et pratiques (pas obligatoirement politiques) évoquant les organisations trotskystes.

Que le communisme libertaire soit ou non notre préférence à terme, nous n’en faisons pas un point d’unité. Face à toute insistance dogmatique selon laquelle la société révolutionnaire doit être organisée sur une base communiste spécifique, nous faisons de la coopération et de l’expérimentation nos slogans. On ne peut pas ignorer le fait que une révolution réellement menée par des masses auto-organisées produira des modèles variés de reconstruction sociale. La fixation et et zèle à poursuivre une seule de ces formes est dangereux, quel que soit son intention.

L’anarcho-communisme oublie généralement de considérer sérieusement le terme “Communisme” dans un monde où des millions de gens ont été assassinées sous sa bannière. Comme révolutionnaires avec des expériences au sein de grandes populations d’immigrants Hmong, venues de Pologne, des Balkans et d’Afrique de l’Est, ce n’est pas pour nous une simple question théorique.

Verts et Eco-Anarchisme. Nous partageons avec eux l’opinion que la crise écologique est essentielle et que la société industrielle doit être réorganisée de manière radicale. Les courants généralement associés avec les traditions anarchistes de “lutte des classes” doivent intégrer pleinement les préoccupations écologiques dans leurs visions. La vie économique trouve ses racines dans les relations des êtres humains avec la Terre. Comment est constituée et organisée cette vie de manière décentralisée doit être une réflexion enracinée dans notre vision politique.

Les technologies et l’industrialisation développées et maitrisées au service d’une société capitaliste et autoritaire remodèlent constamment notre monde. Nous sommes les témoins d’une expansion inimaginable et effrayante de l’industrie agroalimentaire et de l’urbanisation Ces processus déracinent les traditions des peuple fondées sur la terre, nient leurs connaissances et leurs capacités à l’autosuffisance et à l’autonomie, créent une culture consumériste dans laquelle de vastes secteurs de la population en sont réduits à des bassins de l’emploi à la main d’oeuvre bon marché et créent les conditions pour une extinction de masse des espèces – humaine, animale et végétale.

Une conséquence principale de ce processus dévastateur est la création par les sociétés capitalistes multinationales d’immenses zones économiques, qui, combinée avec le déracinement accéléré des populations des zones rurales, donnent naissance à des villes-usines de type maquiladora (1) entourées de bidonvilles. Via diverses combinaisons de facteurs, ces villes-usines peuvent être abandonnées par la classe capitaliste et le travail « externalisé » vers d’autres régions réputées plus faciles à gérer ou présentant de moindres risques financiers. Ces zones – qu’elles soient en plein développement capitaliste ou abandonnées – deviennent des bio-catastrophes.

La résistance s’organise, allant d’insurrections rurales déclenchées par les paysans et les peuples indigènes à des formes d’organisations indépendantes dans les murs des villes-usines. Des tendances au sein du mouvement anarchiste vert ignorent ces luttes, annonçant à la place l’effondrement total de la société industrielle. Nous nous prononçons pour unir les forces urbaines et rurales dans un mouvement capable de remodeler le modèle imposé par le capitalisme.

Dans quelques-unes des villes industrielles abandonnées par le capitalisme, y compris dans celles où nous sommes actifs, de nouveaux mouvements communautaires de fermiers, de militants pour une alimentation alternative, et des projets pour une réappropriation des terres sont apparus. Ces organisations nouvelles ont créé des réseaux s’étendant sur des régions entières, englobant des villes, des banlieues et des territoires agricoles plus traditionnels. Nous défendons ces projets autonomes et essayons de les lier avec les mouvements sociaux de résistance.

Nous nous opposons farouchement à des courants significatifs au sein des mouvements « verts » qui embrassent une idéologie anti classe ouvrière et anti- humaine. Nous rejetons et combattrons toutes les idées sexistes et racistes , celles par exemple qui s’opposent à l’ immigration et soutiennent les contrôles de populations.

L’Insurrectionnalisme. Nous ne croyons pas que le changement révolutionnaire nécessaire puisse survenir à travers une accumulation de réformes ou par un élargissement communautaire des pratiques antiautoritaires toujours plus. Un soulèvement des opprimés et exploités sera nécessaire contre la classe dirigeante. La terre et les lieux de travail doivent être saisis, la police et l’armée désarmées et la volonté des dirigeants brisée. Une insurrection populaire de masse sera nécessaire pour la transformation révolutionnaire que nous voulons.

Cette nécessité évidente a conduit plusieurs courants – anarchistes et autres – à s’identifier comme “Insurrectionnalistes”. Ceux-ci rejettent la tendance de gestion et de médiation bureaucratique de gauche et sont à juste titre méfiants vis à vis d’une organisation qui ne vise qu’à sa perpétuation. Cependant, les Insurrectionnalistes créent une idéologie avec son propre fétichisme et, ce faisant, se font les défenseurs d’un programme plutôt dogmatique quant au type de (non) organisation et tactiques

Tout en accueillant favorablement une approche radicale et une confrontation avec le réformisme (y compris parmi les anarchistes), nous ne sommes pas impressionnés par une caricature facile de l’ insurrection. Un « militantisme » peu approfondi et inconscient de son isolement vis à vis des milieux plus larges de la classe ouvrière et des mouvements sociaux ne présente que peu de danger. Le Black Bloc, par exemple, est trop souvent passé du rôle d’une démonstration de force utile et de protection pour le mouvement anarchiste à un ghetto culturel sous haute surveillance de l’état avec une portée et une influence réduites.
La révolution ne peut pas « être envoyée par la poste » Les actions récentes de la « Fédération Anarchiste Informelle » en Italie démontrent un mépris total pour les victimes appartenant à la classe ouvrière et une surdité absolue vis à vis des besoins réels de la lutte et de la capacité de l’État à tirer avantage de leurs actions pour consolider son contrôle et garder l’initiative.

Notre critique de “l’Insurrectionnalisme” n’est pas un rejet du militantisme et de l’autodéfense, ni le report du combat à un avenir lointain . L’histoire et l’expérience de nos membres, notamment au sein du mouvement antifasciste et aussi dans d’autres luttes, font partie de celles qui construisent la combativité populaire, accroissent et, en terme général, qui gardent en vie la culture insurrectionnelle

Un anarchisme sans trait d’union

A partir de cela, nous espérons vous démontrer notre volonté d’écoute et d’apprendre de traditions et de courants différentes au sein de l’anarchisme, sans nous dépeindre nous mêmes dans une case idéologique étroite. Cela ne doit pas être compris comme favorisant une organisation fourre-tout sans clarté ni orientation. Nous sommes déterminés à construire un groupe avec une vision anarchiste cohérente en étant capable de travailler et de débattre démocratiquement . Mais nous le faisons avec humilité et le sentiment que la vision politique que nous voulons défendre n’est représentée actuellement par aucun sous-groupes anarchistes.

Anarchisme, Empire et Libération Nationale

Deux approches ont dominé la réflexion anarchiste moderne sur les mouvements de libération nationale. Les deux sont inadaptées et ont aidé à ce que l’anarchisme soit resté généralement sur le bas-côté des grandes luttes contre l’impérialisme et pour l’auto-détermination. .

La première approche condamne tous les mouvements de libération nationale – de haut en bas et au sein de toutes les tendances – comme capitalistes et étatistes par nature et par conséquent comme ennemi au même titre que l’Empire. Cela justifie alors de s’abstenir de toute solidarité avec les peuples sous la menace des armes de l’impérialisme. En plus d’être totalement immorales, ces pratiques excluent les idées et méthodes anarchistes des territoires sous contrôle impérialiste.

La seconde approche erronée écarte aussi l’anarchisme comme pôle politique indépendant en soutenant sans esprit critique n’importe quelle force ou dirigeant qui combat (ou qui prend position contre) les USA ou un autre impérialisme. La critique anarchiste traditionnelle de la hiérarchie, de l’État et du patriarcat sont mises de côté pour soutenir la « direction » de la résistance.

Face à tout cela, nous prônons une participation anarchiste au sein des mouvements contre l’ Empire et pour l’auto-détermination , en défendant des sociétés antiautoritaires, internationalistes, décentralisées et coopératives comme alternative aux projets sociaux-démocrates, capitalistes étatiques ou fondamentalistes religieux. Nous pensons que cela est fidèle aux meilleures traditions du mouvement anarchiste.

Celles et ceux d’entre nous qui vivons et travaillons en Amérique du Nord avons une responsabilité particulière à nous opposer aux guerres d’occupation actuelles en Afghanistan, Irak, Palestine et autres pays à travers le monde. Nous devons aider à construire une conscience, des mouvements et des actions contre la guerre et également, ne pas céder face à l’hystérie raciste dirigée ici contre les musulmans, arabes et africains de l’Est.

La criminalisation de celles et ceux qui soutiennent les principaux mouvements en Palestine, au Liban, en Somalie et dans d’autres pays interdisent aux mouvement contre la guerre et à ces communautés d’immigrants de s’exprimer pleinement et d’engager le dialogue et le débat au sujet du déroulement de la lutte. Nous devons combattre cette criminalisation en même temps que nous clarifions notre critique des organisations de résistance dominantes ou autres organisations spécifiques.

Nous pensons qu’il est vital que la question du coût de l’Empire soit soulevée dans notre travail auprès de la masse des travailleurs et des autres mouvements sociaux. Les guerres au Moyen-Orient sont directement liées aux coupes budgétaires massives demandées par les patrons et les politiciens dans l’éducation, les services sociaux et les pensions de retraite. Il sera impossible de résister à ces coupes ou de faire des demandes répondant aux besoins de nos communautés sans soulever la question du coût de la machine de guerre .Toute base construite sur des revendications syndicales restreintes ne sera pas suffisante pour développer le noyau révolutionnaire dont nous avons besoin pour créer le rapport de force nécessaire.

Notre analyse de l’Empire inclut non seulement la projection extérieure d’une domination militaire, culturelle et économique mais également les États américains et canadiens eux-mêmes qui se sont construits sur la colonisation des Terres Indiennes d’Amérique du Nord. Notre opposition cohérente à l’Empire suppose une opposition à l’état américain. Notre but est son démantèlement et non de voir un drapeau rouge flotter sur la Maison Blanche.

Nous pensons aussi que l’organisation de l’Empire n’est pas statique et que la mondialisation continue du capital et l’essor d’institutions internationales économiques et supra-nationales signifient que, à la fois, l’impérialisme et le combat mené contre lui seront pensés et menés différemment que dans les époques précédentes. Nous continuerons à étudier et à débattre des implications de ces changement et de ce qu’ils signifient pour notre travail.
Religion. (1) Les anarchistes et les organisations anarchistes se sont considérés à une écrasante majorité comme des athées militants . Étant donné l’histoire de notre mouvement, cela n’est pas surprenant. La Russie, l’Italie et l’Espagne sont le centre de la plus grande partie de son histoire . C’étaient des sociétés dominées par des religions d’état uniques complices de la classe des propriétaires fonciers. Il n’est donc pas étonnant que une grande frange de l’opposition à ces régimes obscurantistes étaient activement anticléricaux. Le mouvement anarchiste d’aujourd’hui est également né en grande partie en réaction contre les mœurs réactionnaires et conservateurs incarnés par la dénommée Droite Chrétienne. Pas étonnant que notre mouvement a conservé un discours anti-religieux.

M1 rejette ce discours parce que nous croyons qu’il est un vestige compréhensible mais non anarchiste de notre passé. En outre, nous pensons qu’il est un obstacle pour développer la présence de notre mouvement dans de nombreux secteurs de la classe ouvrière et des classes opprimées.

Les hypocrites mis de côté, les croyances spirituelles sont profondément personnelles. Les fondements de l’anarchisme sont la défense et le développement de chaque personnalité humaine et unique. L’aspect social révolutionnaire de l’anarchisme vient de la prise de conscience que le genre, l’ethnie, la classe, la sexualité et autres oppressions et exploitations font violence à la personne et doivent être combattus collectivement. Si nous liquidons l’individualité dans nos comportements collectifs, nous nous positionnons nous-mêmes sur la même pente glissante que les autoritaires.

Notre expérience démontre que des personnes répondront favorablement à nos activités et à notre organisation et iront de l’avant motivées par leurs valeurs et croyances religieuses. Beaucoup d’entre elles pensent que notre militantisme est motivé aussi par de telles croyances et sont surpris de découvrir que nous ayons des opinions athéistes . Si quelqu’un avec des opinions religieuses se joint à nous dans la lutte et est intéressé par nos visions plus larges, devrait-il être victime d’humeur sectaire ou de plaisanteries douteuses sur les croyants,Jésus, Allah, etc.? Alors que c’est leur interprétation personnelle de leur croyance religieuse qui motive leur résistance et leur sentiment de solidarité. Cela arrive dans notre mouvement bien trop souvent.

Comment on agit dans son environnement devrait être la base de nos affinités révolutionnaires. Nous n’avons que faire de la philosophie personnelle qui motive une personne ou un groupe à adopter un point de vue ou rejoindre un combat autoritairement. Nous discutons avec les gens sur des questions fondées sur des faits irréfutables (comme l’évolution) . Nous nous opposons et combattons ceux qui défendent des points de théologie (politique) réactionnaires et/ou patriarcaux. Nous résistons farouchement à la religion fondée sur l’autorité..En même temps, nous ne décourageons pas ni ne nions ces aspects de croyances personnelles qui transforment certains en révolutionnaires. Le mouvement dont nous avons besoin doit être de masse, déterminé et ouvert aux John Brown, Zapata, Dorothy Day, et Malcolm d’aujourd’hui.

Un regard en arrière sur le mouvement pour le Droits Civiques/Libération des Noirs et un examen soigneux de quelques organisations et proto-mouvements d’aujourd’hui mettent en évidence une autre leçon. Nous voyons une activité significative d’organisation basées sur la foi dans le militantisme pour la justice sociale, allant de l’ immigration jusqu’au mouvement contre la guerre, en passant par le droit du travail ou les transports en commun urbains, parmi d’autres. Ces organisations sont encore définies et limitées par leur libéralisme mais elles attirent une nouvelle couche de militants énergiques parmi lesquels des jeunes et des ouvriers grâce aux aspects sociaux et démocratiques de leurs visions politiques. Dans les années à venir, le chaudron des luttes conduira indubitablement à une radicalisation d’éléments, sinon de segments de telles organisations, de coalitions etc. Nous ne devons pas laisser se dresser d’inutiles obstacles entre nous et une telle évolution.

Une approche non-sectaire et à plusieurs niveaux de l’organisation : Nous sommes pour la création de fédérations anarchistes/antiautoritaires de dimension régionale, nationale, continentale et même mondiale. De telles fédérations doivent avoir un caractère de masse et capable de s’impliquer dans et influer sur la gauche au sens large, en plus d’élaborer et de lancer des campagnes et projets anarchistes indépendants.

Les contours et la nature de ce futur mouvement plus large ne peut que faire l’objet de spéculations.
Nous pouvons être certains qu’il englobera des organisations sociales distinctes issues de préoccupations communautaires et sectorielles variées. Quelques organisations seront éphémères mais d’autres seront plus permanentes et de nature potentiellement radicales. De nouveaux courants avec des idées antiautoritaires apparaitront sans aucun doute dans et autour de ces organisations. Les anarchistes doivent y être présents et contribuer à de tels développements en plus de construire des projets indépendants .

A l’intérieur de ces larges mouvements, nous serons confrontés (avec les nouveaux courants) aux forces déterminées à dominer ces mouvements. Les libéraux – parfois encouragés et poussés par, mais plus généralement alliés avec, la gauche plus traditionnelle et même des organisations « révolutionnaires » auto-proclamées – essaieront d’isoler et de neutraliser les éléments et les actions les plus radicaux .

L’objectif des libéraux est de subordonner la gauche de la société à la stratégie conservatrice pro-capitaliste de cooptation et de réformes du gouvernement (au sens le plus limité du terme) dans une tentative pour stabiliser le système existant en supprimant ou en remaniant quelques structures existantes de domination et d’exploitation.

Dans le combat contre un mouvement social encore plus agressif de droite, ils auront du mal à trouver des moyens efficaces pour s’opposer et diviser politiquement cette dure réalité. Leur timidité et leurs méthodes étatistes pourraient plutôt conduire à des résultats néfastes et tragiques.

Avec des ennemis à droite et à gauche, la gauche antiautoritaire aura besoin de s’organiser. Les futures grandes luttes se joueront sur des plans régionaux, nationaux et mondiaux. Le mouvement anarchiste devra développer des formes organisationnelles pour se coordonner sur tous ces niveaux . Cela est indéniable tout comme le fait de la nécessité de fortes bases populaires locales.

Toute coordination/fédération anarchiste nord-américaine réelle et implantée régionalement ne peut se rassembler efficacement qu’à travers une courbe croissante de politisation, de luttes et de travail d’organisation pour la survie/solidarité. Le mode d’association politique et organisationnelle de telles groupements sera conçu et modelé à travers les luttes. Il est cependant crucial que la discussion et les premiers pas débutent ici et maintenant.

Nous sommes pour un front commun et pour l’action et l’aide mutuelle de tous les courants antiautoritaires et anarchistes.

Cela nous importe peu que les personnes ou groupes qui se proposent partagent le même intérêt pour développer la tradition anarchiste ou qu’ils soient plutôt motivés dans leur approche égalitaire-libertaire par des opinions religieuses, écologiques ou politiques différentes.

Nous sommes pour un engagement simple et clair envers a) une société libre, décentralisée et basée sur la coopération à travers une rupture radicale avec le système b) une action directe de masse indépendante de tout milieu politique institutionnel et c) une collaboration volontaire des individus groupes, organisations sociales et sectorielles qui tracent leur voie au moyen de délibérations respectueuses envers tous et exécutées de manière à ce que tous avancent ensemble sans laisser quiconque derrière.

Nous soutenons les efforts fédératifs d’une riche variété de groupes. En plus d’organisations régionales et nationales constituées autour de programmes et de théories sociaux et politiques spécifiques, nous recherchons la création de liens avec des campagnes en cours, des cliniques, des cuisines, des projets antifascistes, des ouvriers autonomes, des centres de quartiers, des clubs artistiques ou sportifs, des groupements syndicaux, des comités de travailleurs indépendants et des syndicats radicaux, pour citer quelques -uns d’entre eux.

La nature étendue d’une telle alliance ne peut que contribuer à sa vitalité et à son caractère innovant. Les groupes spécifiques sur le plan programmatique sont susceptibles d’apporter des enseignements utiles tirés du passé et du présent du mouvement anarchiste international. Ceci grâce aux connaissances, expériences et relations accumulées par leurs membres. Les projets militants de différents milieux spécifiques contribuent à une plus grande ouverture vers l’extérieur et à un ensemble de compétences beaucoup plus diversifiées.

Nous devons être constamment attentifs à préserver et approfondir la nature antiautoritaire de nos organisations. Les pressions au nom de l’efficacité, la délégation de tâches, les degrés inégaux d’éducation, d’expérience et de savoir-faire sont toutes problématiques mais inévitables. Les tentatives pour y remédier ne peuvent pas être seulement structurelles. Les questions politiques concernant l’idéologie, l’instrumentalisation et les valeurs sont des questions clefs.

Dans le proche avenir, First of May définit sa raison d’être et ses tâches comme suit :

1. Défendre et développer les idées présentées dans ce document. Dialoguer et débattre sur ces questions et autres concernant la stratégie révolutionnaires avec des groupes et individus.

2. S’impliquer systématiquement dans des actions d’éducation et d’agitation populaires anarchistes, en mettant en avant plus particulièrement ses aspects les plus radicaux .

3. Aider nos membres et amis à approfondir à la fois leur travail au sein des classes ouvrières et de leur mouvement. Autant que faire se peut à travers notre engagement actuel dans notre travail de
(semi) masse .

4. de renforcer la compréhension et les liens entre les antiautoritaires sur le plan local et régional. Nous sommes pour l’organisation de cercles/réseaux sur des bases programmatiques et structurelles minimalistes pour accroitre la prise de conscience quant à chaque projet et mener des actions sociales et d’éducation occasionnelles conjointes .
Développer au fil du temps des présences plus visibles et coordonnées des anarchistes et antiautoritaires dans les rassemblements et actions touchant des couches plus larges de la population

5. Continuer à nous investir dans la Class Struggle Anarchist Conference (CSAC) (3) tout en préconisant un débat politique et stratégique plus ciblé et plus approfondi et une meilleure coordination d’actions concrètes

La création au sein de la CSAC du Inter-Organizational Labor Working Group, la rencontre à la Labor Notes Conference qui a suivi en 2010 ,et le débat au sujet d’une publication représentent des premiers pas importants. Il y a une importante marge de manœuvre et de potentiel dans le développement d’une présence anarchiste au sein du mouvement ouvrier, pour attirer de nouveaux éléments extérieurs à la CSAC et pour renforcer notre travail actuel ponctuel par son intermédiaire.

Nous encourageons la formation d’autres groupes de travail dans d’autres différents domaines de luttes. Nous sommes intéressés pour échanger dès maintenant avec des personnes quant à la créations de tels groupes de travail antifasciste et anti -Empire/militarisme et sommes ouverts à d’autres chemin faisant. Des groupes de travail collaboratifs avec une vitrine et des activités publiques renforceront notre mouvement commun.

First of May Anarchist Alliance
Janvier 2011
———————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————-

(1) Usines au Mexique, gérée par des sociétés étrangères et qui exportent leurs produits vers les pays d’origine de ces sociétés . Littéralement des usines « maquillées » NdT

(2) René Berthier a réagi sur le sujet de la religion dans un document publié sur le site de Monde Nouveau « États-Unis, anarchisme et religion » http://monde-nouveau.net/IMG/pdf/tats-Unis_anarchisme_et_religion-2.pdf

(3) La « Conférence des anarchistes de lutte de classe » La rencontre en 2009 fut appelée par les organisations suivantes :

Buffalo Class Action, Common Action (Pacific Northwest), Common Cause (Ontario), Four Star Anarchist Organization (Chicago), Miami Autonomy and Solidarity, Michigan-Minnesota Group, Northeast Federation of Anarchist Communists (NEFAC), Solidarity and Defense (Detroit/Lansing), et la Workers Solidarity Alliance (WSA).

Il y eut une également une rencontre en juillet 2010. Lire à ce sujet sur Anarkismo
A Reportback From the Class Struggle Anarchist Conference
http://www.anarkismo.net/article/14863

Plus d’infos sur la First of May Anarchist Alliance
http://m1aa.org/
Révolution . Bulletin publié par M1
http://m1aa.org/wp-content/uploads/2012/04/Revolution_Mayday-2012.pdf

Pour complément d’infos :

Une critique de la Fédération Anarchiste :
Une nouvelle organisation anarchiste aux États-Unis, la First of May Anarchist Alliance
http://www.federation-anarchiste.org/spip.php?article1041

Alternative Libertaire
États-Unis : M1 au pays des capitaux, des libertaires chez l’oncle Sam
http://www.alternativelibertaire.org/spip.php?article4643

————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————–

L’anarchisme et les religions est un sujet sur lequel Zone-A reviendra. En attendant, voici quelques lectures proposées.

Anarchisme chrétien, christianisme libertaire – E. Armand dans l’Encyclopédie anarchiste de Sébastien Faure http://www.encyclopedie-anarchiste.org/articles/a/anarchismechretien.html

« Le Bouddhisme et la révolution à venir » Gary Snyder (1969) http://www.zen-occidental.net/pdf/snyder4.pdf

Contrairement à ce qui est indiqué sur le site, le texte de Snyder peut être librement reproduit à des fins non commerciales. Ken Knabb : Reproduced here with permission from Gary Snyder (who informs me that any nonprofit reproduction of it is fine with him).

(English version) Buddhist Anarchism Gary Snyder http://www.bopsecrets.org/CF/garysnyder.htm

Deux critiques du bouddhisme engagé Ken Knabb http://www.bopsecrets.org/French/buddhists.htm

 

4 février 2013

Vers un Autre Anarchisme

Filed under: Textes et Documents — R&B @ 10 h 11 min
Retranscription sommaire de l’intervention de Andrej Grubacic dans le cadre du forum Life After Capitalism (WSF3, Porto Alegre, 2003.)
Texte original Towards Another Anarchism ZNet
http://www.zcommunications.org/towards-another-anarchism-by-andrej-grubacic
25 février 2008

Vers un Autre Anarchisme
Andrej Grubacic

Un des mes amis a écrit récemment « Personne n’a besoin d’un autre -isme du 19ème siècle, d’un autre terme qui emprisonne et fige la pensée, qui séduit un certain nombre de personnes à l’intérieur de la clarté et du confort d’une boîte sectaire et qui en conduit d’autres devant un peloton d’exécution ou des tribunaux. Les étiquettes conduisent si facilement au fondamentalisme, elles engendrent inévitablement l’intolérance, délimitent des doctrines, définissent des dogmes et limitent les possibilités de changement.  »

Il est très difficile de ne pas être d’accord avec ce point de vue. Cependant, aujourd’hui, mon travail agréable consiste précisément un à vous présenter un -isme, et c’est le – isme qui est la perspective dominante du mouvement social mondial actuel post-marxiste. C’est l’ anarchisme. Cette idée, l’idée d’anarchisme, a enjolivé la sensibilité du « mouvement des mouvements » dont nous sommes les participants, et l’a imprimé de sa marque d’une inscription indispensable. L’anarchisme, son paradigme éthique, représente aujourd’hui l’inspiration fondamentale de notre mouvement, qui est moins de s’emparer du pouvoir d’état que de dénoncer, délégitimer et démanteler les mécanismes du pouvoir tout en gagnant des espaces toujours plus grands d’autonomie et de réelle autogestion.
Mon intention est, dans ces quelques minutes dont je dispose, de vous présenter brièvement l’histoire de l’anarchisme, afin de pouvoir, dans un second temps, vous suggérer un modèle d’anarchisme moderne et les implications stratégiques qu’impliquent l’acceptation d’un tel modèle.

Je suis enclin à être d’accord avec celles et ceux qui voient l’anarchisme comme une tendance dans l’histoire de la pensée et les pratiques humaines, une tendance qui ne peut pas être englobée dans une théorie idéologique générale, qui s’efforce à identifier les structures hiérarchiques sociales coercitives et autoritaires en posant la question de leur légitimité: si elles ne peuvent pas répondre à cette remise en question, ce qui est le cas la plupart du temps, alors l’anarchisme devient l’effort pour limiter leur pouvoir et pour élargir les espaces de liberté.

L’anarchisme est, par conséquent un phénomène social, par son contenu et ses manifestations au sein de l’activité politique changent avec le temps. Ce qui est spécial avec l’anarchisme , c’est que, contrairement à toutes les grandes idéologies, il ne pourra jamais avoir une existence stable et continue de terrain, en étant présent dans un gouvernement ou dans un système politique de parti. Son histoire et ses spécificités contemporaines sont donc déterminés par un autre facteur – les cycles des luttes politiques. En conséquence, l’anarchisme comprend des tendances « générationnelles » dans le sens où il est possible d’identifier des phases plutôt discrètes de son histoire selon la période de lutte dans laquelle celles-ci s’inscrivent. Naturellement, comme toute tentative de conceptualisation, celle-ci est aussi vouée à simplification. J’espère que, malgré cela, cela sera utile pour comprendre ce phénomène social.

Historiquement, la première phase a été modelée par les luttes de classe du 19ème siècle en Europe et est illustrée, à la fois en théorie et en pratique par la faction Bakouniniste dans la Première Internationale. Elle commence dans la période qui précède 1848, culmine avec la Commune de Paris (1871) et décline durant les années 1880.

C’est une forme assez embryonnaire d’anarchisme, mélange de tendances anti étatiques , anticapitaliste et athéiste, tout en étant essentiellement tributaire du prolétariat urbain qualifié comme agent révolutionnaire. Bakounine, ce rêveur magnifique, cette « dynamite, pas un homme », qui, en 1848, s’est écrié que « la Neuvième Symphonie de Beethoven devrait être sauvée des incendies prochains de la révolution mondiale au prix d’une vie humaine »,nous a légué les plus belles et peut-être les plus précises descriptions d’une simple idée maîtresse au sein de la tradition anarchiste : « Je suis un amant fanatique de la liberté, la considérant comme l’unique milieu au sein duquel puissent se développer et grandir l’intelligence, la dignité et le bonheur des êtres humains ; non de cette liberté toute formelle, octroyée, mesurée et réglementée par l’état, mensonge éternel qui en réalité ne représente jamais rien que le privilège de quelques-uns fondé sur l’esclavage de tout le monde ; non de cette liberté individualiste, égoïste mesquine et fictive prôné par l’école de J.J. Rousseau ainsi que par toutes les autres école du libéralisme bourgeois et qui considère le soit disant droit de tout le monde, représenté par l’état comme la limite du droit de chacun, ce qui aboutit nécessairement et toujours à la réduction du droit de chacun à zéro Non, je pense à la seule sorte de liberté qui en mérite le nom, la liberté qui consiste dans le plein essor de toutes les capacités matérielles, intellectuelles et morales qui sont latentes chez chaque individu ; la liberté qui ne reconnaît aucune autres restrictions que celles déterminées par les lois de notre propre nature individuelle, qui ne peuvent pas être à proprement parlé considérées comme des restrictions puisque ces lois ne sont pas imposées par un quelconque législateur extérieur égal ou supérieur à nous, mais qu’elles sont immanentes et inhérentes, formant la base même de notre être physique, intellectuel et moral – elles ne nous limitent pas mais sont les conditions indispensables et immédiates à notre liberté ».

La seconde phase, à partir des années 1890 jusqu’à la guerre civile russe voit un considérable déplacement vers l’Europe de l’Est et prend donc une orientation clairement agraire. Sur le plan théorique, c’est l’époque ou l’anarcho-communisme de Kropotkine est la caractéristique la plus dominante. Il connait un pic avec l’armée de Makhno et engendre, après la victoire bolchévique, un sous courant en Europe centrale. La troisième phase, des années 20 jusqu’à la fin des années 40, est de nouveau centrée sur l’Europe centrale et de l’ouest et est à nouveau orienté vers l’industrie.
Sur le plan théorique, l’anarcho-syndicalisme est à son pic, avec une grande partie du travail réalisée par des exilés russes. A ce moment, la différence entre deux traditions fondamentales dans l’histoire de l’anarchisme est devenue clairement visible: l’anarcho-communisme et l’on pourrait penser à Kropotkine comme un de ses représentants- et, de l’autre côté, l’anarcho-syndicalisme qui considère seulement les idées anarchistes comme un mode approprié d’organisation de sociétés industrielles avancées très complexes. Et cette tendance dans l’anarchisme fusionne, ou interagit avec une variété de marxismes gauchistes, le genre que l’on trouve disons dans les Conseils communistes qui se développent dans la tradition de Luxembourg et qui est représentée plus tard, de manière très intéressante, par des théoriciens marxistes comme Anton Pannekoek.

Après la deuxième guerre mondiale, l’anarchisme connait une importante baisse d’audience due à la reconstruction économique et surnage seulement de façon marginale dans les luttes anti impérialistes dans le Sud, luttes qui sont cependant largement dominées par l’influence pro- soviétique. Les luttes des années 60 et 70 ne voient pas une sérieuse résurgence de l’anarchisme, qui porte encore le poids mort de son histoire et qui est incapable encore de s’adapter au nouveau langage politique, qui n’est pas centré sur les classes. On trouve par conséquent des tendances anarchistes dans les mouvements contre la guerre, féministes, situationnistes, black power etc., mais rien qui ne soit absolument identifiable comme anarchisme. Les groupes explicitement anarchistes de cette période n’étaient plus ou moins qu’une redite des deux précédentes phases (communistes et syndicalistes révolutionnaires) et quelque peu sectaires- au lieu de rejoindre ces nouvelles formes d’expression politique, ils se sont renfermés sur eux-mêmes et ont généralement adopté des chartes très rigides comme l’anarchisme appelé « plateformiste » dans la tradition de Makno. En cela, il s’agit d’une quatrième génération « fantôme ».
Arrivé de nos jours, nous avons deux générations coexistantes au sein de l’anarchisme: des gens dont la formation politique a eu lieu dans les années 60 et 70 (une réincarnation de la seconde et troisième génération, en réalité), et des personnes plus jeunes qui sont plus imprégnés, entre autres, de la pensée indigène, féministe, écologiste et contre culturelle. Les premiers existent à travers différentes Fédérations Anarchistes, les IWW, l’IWA, le NEFAC et autres. Les seconds s’incarnent dans les réseaux les plus en vue des nouveaux mouvements sociaux. De mon point de vue, Peoples Global Action est l’organe principal de la cinquième génération de l’anarchisme. Ce qui est parfois déroutant est que l’une des caractéristiques actuelles de l’anarchisme est que les individus qui la composent ne se revendiquent pas eux-mêmes comme anarchistes. Ils en en a quelques-uns qui prennent tellement au sérieux les principes anarchistes d’anti-sectarime et d’ouverture d’esprit qu’ils sont parfois peu disposés pour cette raison même à se définir comme ‘anarchistes’.

Mais les trois points essentiels qui traversent toutes les manifestations sont sans aucun doute présents ici – anti-étatisme, anti-capitalisme et modes d’organisations politiques préfiguratives (ex. modes d’organisation qui ressemblent volontairement au monde que vous voulez construire. Ou, comme un historien anarchiste de la révolution espagnol l’a formulé « un effort pour penser non seulement les idées mais aussi les réalités du futur ».) Cela existe partout, des collectifs contre culturels jusque dans Indymedia, qui peuvent tous être qualifiés d’anarchistes, si l’on admet que l’on se réfère à une nouvelle forme. Il existe un degré de confluence très limité entre les deux générations coexistantes, la plupart du temps sous la forme d’un suivi et de ce que fait chacune d’entre elle – mais pas beaucoup plus.
Le dilemme fondamentale qui imprègne l’anarchisme contemporain par conséquent, est entre les conceptions traditionnelles et modernes. Dans les deux cas, nous sommes les témoins d’un « échappatoire à la tradition » dans son genre.

J’oserai avancer que les « anarchistes traditionnels » n’ont pas entièrement compris cette tradition. Le terme même de « tradition » a deux sens historiques: A savoir, l’un est plus courant et plus répandu et c’est le sens de folklore – « des normes de récits, de croyances, d’habitudes, de comportements », alors que le second est moins habituel et signifie: transmettre, léguer, exprimer, discuter, conseiller.
Pourquoi est-ce que j’attire l’attention sur, mais aussi insiste sur, cette différence dans l’explication de ce terme tradition? Justement parce qu’il existe la possibilité que ce terme peut , dans l’histoire des idées, être compris des deux manières. La première (probablement la plus répandue) est que la tradition est acceptée comme une structure achevée qui ne peut pas ou ne doit pas être modifiée plus avant, mais préservée dans en l’ état matériel et transmise inchangée aux générations futures. Une telle interprétation de la tradition est liée à cette partie de la nature humaine que l’on appelle conservatrice et qui est sujet à un comportement stéréotypé, Freud dirait même « la compulsion de la répétition ». L’autre sens de tradition, dont je me fais l’avocat ici, se rapporte à la nouvelle et créative façon de revivre l’expérience de la tradition. Une telle façon, disons-le tout de suite, positive de communiquer, trouve ses racines de l’autre côté de la nature humaine, provisoirement appelée révolutionnaire, celle d’une vérité exprimée de tout temps de façon paradoxale : un souhait de changement et,en même temps, un besoin salutaire de rester le même.

Une autre forme de « l’échappatoire à la tradition » est celle qui trouve refuge dans différentes interprétations post-modernes de l’anarchisme.

Je pense qu’il est grand temps pour une certaine « dés-illusion » , pour citer Max Weber, de l’anarchisme, un réveil face au rêve du nihilisme post-moderne, de l’anti-rationalisme, du néo-primitivisme, du terrorisme culturel, « simulacres ». Il est temps de rétablir l’anarchisme dans le contexte politique et intellectuel des Lumières qui n’est rien d’autre que la compréhension que « la connaissance objective est un outil qui doit être utilisé afin que les individus puissent prendre les décisions appropriées par eux-mêmes. La raison, a dit le célèbre peintre Goya, ne produit pas des monstres quand elle rêve mais quand elle dort
Je dirais qu’aujourd’hui, le dialogue est nécessaire entre les différentes générations de l’anarchisme moderne. Ce dernier est imprégné d’innombrables contradictions. Il n’est pas suffisant de se rallier aux habitudes de la majorité des penseurs anarchistes contemporains qui insistent sur les dichotomies. Il serait souhaitable d’abandonner la façon de penser du « ou – ou », et de commencer à discuter pour rechercher une synthèse. Est-ce qu’une telle synthèse est possible? Il me semble que oui.

Un nouveau modèle d’anarchisme moderne, que l’on peut discerner aujourd’hui à l’intérieur du nouveau mouvement social, insiste sur l’élargissement du sujet de l’anti-autoritarisme, tout en désertant le réductionnisme de classes. Un tel modèle tente de reconnaître la « domination dans sa totalité », c’est à dire, « mettre en lumière non seulement l’état mais aussi les relations entre sexes pas seulement l’économie mais également les relations culturelles et l’écologie, la sexualité, la liberté sous toute ses formes et tout cela pas seulement à travers le seul prisme des relations autoritaires , mais également enrichi par des concepts plus riches et variés. Cette approche ne dénonce pas seulement la technologie per se mais elle se l’approprie et l’emploie de différentes manières si cela est approprié. Elle ne se contente pas de contester les institutions per se, ou les formes d’organisations politiques per se, elle essaie de concevoir de nouvelles formes d’institutions et d’organisations politiques pour le militantisme et la société nouvelle, incluant des nouvelles formes de réunions, de prises de décision, de coordination, de la même façon qu’ont déjà été revitalisés des groupes affinitaires et de paroles. Et elle ne dénonce pas seulement les réformes per se, mais lutte pour définir et gagner des réformes non réformistes, attentive au besoins immédiats des gens et à l’amélioration de leur vie ici et maintenant , tout en recherchant des gains plus lointains et, finalement, une transformation totale. »

L’anarchisme peut devenir efficace que si il comprend ces trois composantes inséparables: des organisations de travailleurs, des militants et des chercheurs. Comment créer une base pour un anarchisme moderne englobant ces niveaux, syndicale, populaire et intellectuel? Il existe plusieurs solutions en faveur d’un autre anarchisme qui seraient capables de promouvoir les valeurs citées ci-dessus. La première est je pense qu’il est nécessaire que l’anarchisme devienne réfléchi. Qu’est-ce que j’entends par là ? Le combat intellectuel doit réaffirmer sa place dans l’anarchisme moderne. Il apparaît que l’une des faiblesses fondamentales du mouvement anarchiste actuel est, par rapport à l’époque disons de Kropotkine, Reclus, ou Herbert Read, est précisément la négligence du symbolique et la domination de l’efficacité de la théorie.

Au lieu de critiquer le populaire conte de fée marxiste post-moderne d’ « Empire », ils devraient écrire un Empire anarchiste. La religion marxiste s’est référée, pendant longtemps, à la théorie et, ce faisant, s’est donnée une apparence scientifique et la possibilité d’agir comme une théorie. Ce dont a besoin l’anarchisme aujourd’hui c’est de dépasser les deux extrêmes que sont l’anti-intellectualisme et l’intellectualisme. Comme Noam Chomsky, je n’ai ni sympathie ni patience pour de telles idées. Je pense que l’antagonisme entre science et anarchisme ne devrait pas exister: « Dans la tradition anarchiste, il a existé un certain sentiment qu’il y avait quelque chose de l’ordre de l’enrégimentement et de l’oppression dans la science en elle-même. Je ne connais aucun argument face à l’irrationalité. Je ne pense pas que les méthodes scientifiques aspirent à autre chose qu’à être raisonnable, et je ne vois pas pourquoi les anarchistes ne devraient pas être raisonnables ». Comme Chomsky, j’ai encore moins de patience envers une tendance bizarre qui s’est développée, sous différentes formes, au sein de l’anarchisme : « Il me semble remarquable que les intellectuels de gauche aujourd’hui devraient chercher à priver les personnes opprimées des joies de la compréhension et de la perspicacité, mais également d’outils d’émancipation, en nous informant que le projet des Lumières est mort, que nous devons abandonner les illusions de la science et de la rationalité – un message qui fera chaud au cœur des puissants… »

Devant nous, à l’avenir, se dessine la tâche de concevoir le profil du chercheur anarchiste. Quel serait son rôle? Pas de donner des conférences magistrales, certainement, comme le font les vieux intellectuels de gauche. Il ne serait pas un enseignant mais quelqu’un qui s’inscrirait dans un rôle nouveau et difficile : celui de présenter les intérêts de l’élite dominante soigneusement cachés derrière des discours prétendument objectifs.

Il doit aider les militants et les alimenter en faits. Il est nécessaire d’inventer une nouvelle forme de communication entre les militants et les chercheurs militants. Il est nécessaire de créer un mécanisme collectif qui relierait les scientifiques, les travailleurs et les militants libertaires. Il est nécessaire de fonder des instituts, des revues des communautés scientifiques libertaires internationales. Je pense qu’ainsi le sectarisme, un phénomène malheureusement très répandu dans l’anarchisme moderne, perdrait de sa vigueur. Parmi les tentatives organisées pour résister à ce sectarisme, l’esquisse d’une nouvelle internationale anarchiste, que l’on m’a communiqué dernièrement et que je vais vous présenter maintenant.

L’ INTERNATIONALE ANARCHISTE est une initiative ayant pour but d’offrir un lieu pour des anarchistes de toutes les parties du monde qui souhaitent exprimer leur solidarité mutuelle, faciliter la communication et la coordination, apprendre mutuellement des efforts et des expériences des autres, et donner un écho plus grand à la parole et aux perspectives anarchistes dans les milieux politiques radicaux, mais qui souhaite le faire d’une façon qui rejette toute trace de sectarisme, d’avant-gardisme et d’élitisme révolutionnaire.

Nous ne considérons pas l’anarchisme comme une philosophie inventée au 19ème siècle en Europe, mais plutôt comme la pratique et la théorie mêmes de la liberté – cette liberté authentique qui n’est pas construite sur le dos des autres – un idéal qui a été perpétuellement redécouvert, rêvé, pour lequel on s’est battu sur tous les continents et à toutes les périodes de l’histoire humaine. L’anarchisme aura toujours des milliers de courants, parce que la diversité fera toujours partie de l’ essence de la liberté, mais créer des réseaux de solidarité peut les rendre tous plus puissants.

 ********* CARACTERISTIQUES: *********

1) Nous sommes anarchistes parce que nous croyons que la liberté et le bonheur humain seraient mieux garantis par une société basée sur des principes d’auto-organisation , d’ association volontaire, d’assistance mutuelle et parce que nous refusons toute forme de relations sociales basées sur la violence systémique , telles que l’état ou le capitalisme.
2) Nous sommes cependant profondément anti-sectaires, ce qui signifie que:
a) nous n’essayons pas de faire valoir aucune forme particulière d’anarchisme au détriment des autres: Plateformiste, Syndicaliste, Primitiviste, Insurrectioniste ou toutes autres. Ni ne voulons exclure personne sur ces bases – nous considérons la diversité comme un principe en lui-même, limité seulement par notre refus commun des structures de domination racisme, sexisme, fondamentalisme, etc.

b) puisque nous ne considérons pas tant l’anarchisme comme une doctrine que comme un processus, un mouvement, vers une société libre, juste et durable , nous pensons que les anarchistes ne devraient pas se contenter de coopérer avec ceux qui s’identifient comme anarchistes , mais devraient rechercher activement à coopérer avec quiconque travaille à créer un monde basé sur ces mêmes grands principes libératoires, et, en fait, apprendre d’eux. L’un des buts de l’Internationale est de faciliter cela :à la fois de faciliter la mise en relation de ces millions de personnes à travers le monde qui sont, en réalité, anarchistes sans le savoir, avec les réflexions de ceux qui ont travaillé dans cette tradition même, et, en même temps, d’enrichir la tradition anarchiste elle-même à travers les contacts avec ces expériences.

3) Nous rejetons toute forme d’avant-gardisme et nous pensons que le rôle réel de l’intellectuel anarchiste ( rôle qui devrait être ouvert à tous) est de prendre part au dialogue en cours : apprendre des expériences de luttes et de constructions communautaires populaires et offrir en retour les fruits de la réflexion sur ces expériences, non pas dans un esprit de diktat, mais comme un cadeau.

4) Quiconque acceptant ces principes est membre de l’ Internationale Anarchiste et tout membre de celle-ci est habilité à agir comme porte-parole si il le souhaite. Puisque nous apprécions la diversité nous ne nous attendons pas à une uniformité de d’opinions autre que l’acceptation des principes eux-mêmes (et bien sûr, la reconnaissance de l’existence d’une telle diversité )

5) L’organisation n’est ni un bien ni un mal en elle-même; le niveau de structure organisationnel approprié à tout projet ou tâche précise ne peut jamais être décidé à l’avance mais ne peut être que déterminé par ceux qui y sont engagés. En ce qui concerne donc tout projet initié au sein de l’Internationale: il reviendra à ses initiateurs de déterminer la forme et le niveau d’organisation appropriés. En ce sens, une structure de prise de décision n’est pas nécessaire pour l’Internationale en elle-même mais si, à l’avenir, des membres ressentent le contraire, il leur appartiendra de déterminer son type de fonctionnement, étant entendu que cela respectera l’idée générale de décentralisation et de démocratie directe.
En outre, l’anarchisme doit se tourner vers les expériences d’autres mouvements sociaux. Il doit s’inclure dans les évolutions des sciences sociales progressistes. Il doit être en collusion avec les idées émises par les cercles proches de l’anarchisme. Prenons par exemple l’idée de l’économie participative (1) qui représente une vision économiste anarchiste par excellence et qui complète et rectifie la tradition économiste anarchiste. Il serait avisé d’écouter ces voix qui avertissent de l’existence de trois classes principales dans le capitalisme moderne , et non pas seulement deux. Il existe également une autre classe sociale, appelée classe coordinatrice par ces théoriciens. Son rôle est de contrôler le travail de la classe ouvrière. Elle inclut la hiérarchie des cadres les consultants professionnels et les conseillers, qui occupent une place centrale dans leur système de contrôle – tels les avocats, les ingénieurs, les agents financiers, etc. Ils bénéficient de leur position de classe grâce à leur monopolisation relative de la connaissance, des compétences et des relations. C’est ce qui leur permet d’avoir accès aux positions qu’ils occupent au sein des hiérarchies des entreprises et des gouvernements.

Autre point à prendre en compte, la classe coordinatrice est capable d’être une classe gouvernante. C’est en fait la vraie signification historique de l’Union Soviétique et des autres pays prétendus communistes. Ce sont en fait des systèmes qui donnent le pouvoir à la classe coordinatrice.

Enfin, je pense que l’anarchisme moderne doit se tourner vers une vision politique.

Cela ne signifie pas que les différences tendances de l’anarchisme ne plaident pas pour des formes très précises d’organisation sociale, bien que souvent nettement différentes les unes des autres. Pour l’essentiel, cependant, l’anarchisme dans son ensemble soumet une « liberté négative », c’est à dire une liberté qui « s’oppose à », plutôt qu’une liberté substantive « pour ».
Bien sûr, l’anarchisme salue souvent son attachement à la liberté négative comme la preuve de son pluralisme, de sa tolérance idéologique ou de sa créativité. Cependant, l’échec de l’anarchisme pour énoncer les circonstances historiques qui auraient pu rendre possible l’établissement d’une société anarchiste sans état pose un problème à la pensée anarchiste qui reste irrésolu à ce jour. Un ami me disait, il y a peu, que « vous autres anarchistes vous débrouillez toujours pour garder les mains propres, de telle manière que vous vous retrouvez sans mains du tout. » Je pense que cette remarque résume exactement le manque d’une réflexion plus sérieuse quant à une vision politique.

Pierre Joseph Proudhon a essayé de formuler une image concrète d’une société libertaire. Sa tentative s’est révélée être un échec et, selon mon opinion, totalement décevante. Cependant, cet échec ne doit pas nous décourager souligne la voie suivie par les écologistes sociaux, par exemple, en Amérique du Nord – une voie menant à la formulation d’une vision politique anarchiste sérieuse. Le modèle anarchiste devrait également essayer de répondre à la question : « quelles sont les alternatives constructives anarchistes aux législatures, tribunaux, forces de police, et diverses instances exécutives » pour « offrir une vision politique qui inclut la législation, la mise en œuvre, l’adjudication et la défense et qui montre comment chacune de ces tâches pourraient être accomplies de façon anti-autoritaire. Promouvoir des perspectives positives ne fournirait pas seulement un espoir à long terme si nécessaire à notre militantisme, mais informerait aussi sur nos alternatives immédiates face aux systèmes actuels électoral, législatif, judiciaire et de maintien de l’ordre nos réponses immédiates, et, par conséquent, sur de nombreux choix stratégiques de notre part
Enfin, quelles seraient les implications stratégiques de la promotion d’un tel modèle?

Lors de contacts avec des militants anarchistes, j’ai entendu plusieurs fois une proposition avec laquelle je n’ai aucune sympathie et pour laquelle je n’ai aucune explication. Nous devrions, disaient-ils faire un effort et vivre moins bien pour que les choses aillent mieux. A l’inverse de cette logique extraordinaire, qui signifie « plus c’est pire et meilleur c’est », je pense qu’il serait plus raisonnable et beaucoup plus pratique d’écouter l’avis d’anarchistes argentins qui plaident pour « l’élargissement de la cage ». Une telle stratégie impliquera, au contraire, de se battre pour et d’obtenir des réformes, faute de révolution, de manière à, en même temps, améliorer les conditions et les options des gens immédiatement et de créer également des opportunités pour de futures victoires à l’avenir. Elle indiquera que, plaider pour une société nouvelle n’implique pas d’ignorer les difficultés et les souffrances actuelles mais que lorsque nous travaillons à combattre des maux actuels, pour rendre la situation meilleure immédiatement, nous devrions le faire de façon à éveiller les consciences, renforcer nos communautés et développer nos organisations et que cela conduit par conséquent à une trajectoire de changements continuels aboutissant à l’élaboration de nouvelles structures économiques et sociales. Élargir la cage n’exclut pas les luttes populaires à court terme, pour des augmentation de salaires, la fin d’une guerre, la discrimination positive, de meilleures conditions de travail, un budget participatif, un impôt progressif ou radical, une semaine de travail plus courte à plein traitement, l’abolition du FMI, ou quoi que ce soit d’autre – parce que cela tient compte de la réalité du développement de la conscience et de l’organisation des gens à travers les luttes et évite le genre de mépris parmi les militants envers les efforts courageux des gens pour améliorer la qualité de leurs vies.

En guise de conclusion, je pense qu’un tel modèle d’anarchisme moderne pourrait jouer un rôle constructif, à construire, face aux actuelles horreurs du capitalisme, un mouvement post-marxiste qui pourrait se réclamer des valeurs des Lumières et qui pourraient finalement en réaliser le potentiel entier.

Merci.

J’aimerais remercier mes amis David Graeber, Uri Gordon et Michael Albert.Toutes les idées que vous avez pu lire pourraient très bien avoir été inventées par l’un d’eux.

L’Anarchisme, Ou Le Mouvement Révolutionnaire du Vingt et Unième Siècle

Filed under: Textes et Documents — R&B @ 10 h 06 min
L’Anarchisme, Ou Le Mouvement Révolutionnaire du Vingt et Unième Siècle
Andrej Grubacic & David Graeber

Texte traduit publié avec l’autorisation de David Graeber
Texte original http://www.zcommunications.org/anarchism-or-the-revolutionary-movement-of-the-twenty-first-century-by-david-graeber Publié le 6 janvier 2004

Il devient de plus en plus évident que le temps des révolutions n’est pas terminé. De même, il devient de plus en plus clair que le mouvement révolutionnaire mondial du vingt et unième siècle trouvera moins ses origines dans la tradition marxiste, ou même dans le socialisme au sens strict, que dans l’anarchisme

Partout, de l’Europe de l’Est à l’Argentine, de Seattle à Bombay, les idées et principes anarchistes sont en train de faire naitre de nouvelles visions et rêves radicaux. Souvent, leurs défenseurs ne se revendiquent pas « anarchistes ». Ils se présentent sous d’autres noms : autonome, anti-autoritarisme, horizontalité, Zapatisme, démocratie directe … Malgré tout on retrouve partout les mêmes principes de base : décentralisation, association volontaire, assistance mutuelle, modèle de réseau et plus que tout, le rejet de l’idée que la fin justifie les moyens, sans parler de celle selon laquelle la tache d’un révolutionnaire est de s’emparer du pouvoir d’état et donc de commencer à imposer sa vision au bout du fusil. Par dessus tout, l’anarchisme comme une éthique de pratiques – l’idée de construire une société nouvelle “à l’intérieur de l’ancienne” — est devenu l’inspiration de base du “mouvement des mouvements” (dont les auteurs font partie), dont le but a été dès le début moins de s’emparer du pouvoir d’état que dénoncer, délégitimer et démanteler les mécanismes de domination tout en gagnant des espaces d’autonomie toujours plus grands, avec à l’intérieur une gestion participative.

Il existe des raisons évidentes à l’attraction envers les idées anarchistes au début de ce 21ème siècle : la plus évidente, les échecs et catastrophes résultant des si nombreux efforts pour renverser le capitalisme en s’emparant du contrôle des appareils de gouvernement durant le 20eme. Un nombre toujours plus important de révolutionnaires ont commencé à admettre que “la révolution” ne surviendra pas comme un grand moment apocalyptique, la prise de l’équivalent d’un Palais d’Hiver mais comme un long processus qui s’est déroulé depuis une grande partie de l’histoire de l’humanité (même si, comme la plupart des choses, cela s’est accéléré ces derniers temps), rempli de stratégies d’offensives et de replis autant que d’affrontements spectaculaires et qui ne connaitra jamais – en fait la plupart des anarchistes pensent ne devrait jamais connaître – une conclusion définitive.

C’est un peu déconcertant, mais cela nous offre une énorme consolation : nous n’avons pas à attendre jusqu’à “après la révolution” pour entrevoir à quoi ressemble la vraie liberté. Comme l’exprime joliment le Crimethinc Collective, les propagandistes les plus importants de l’anarchisme américain contemporain: “la liberté n’existe que dans les moments de révolution. Et ces moments ne sont pas aussi rares que vous le pensez.” Pour un anarchiste, en fait, essayer de créer des expériences non aliénantes, une démocratie réelle, est un impératif éthique; c’est seulement en construisant une forme d’organisation au présent, au moins une approximation rudimentaire de comment fonctionnerait réellement une société libre, où tous, chaque jour, seraient en mesure de vivre, que l’on pourra garantir que nous ne redégringolerons pas dans le désastre. Des révolutionnaires sinistres et tristes qui sacrifient tous les plaisirs à la cause ne peuvent produire que des sociétés sinistres et tristes.

Ces changements ont été difficiles à documenter parce que, jusqu’à aujourd’hui, les idées anarchistes n’ont reçu quasiment aucune attention dans les milieux de la recherche. Il existe encore des milliers de chercheurs marxistes mais presque aucun anarchistes. Ce vide est quelque peu difficile à expliquer. C’est sans doute en partie parce que le marxisme a toujours eu des affinités avec le milieu universitaire, affinités dont ne bénéficie pas l’anarchisme de toute évidence. Après tout, le marxisme a été le seul grand mouvement social inventé par un Docteur en Philosophie. La plupart des travaux sur l’histoire de l’anarchisme partent du principe qu’il était en gros similaire au marxisme : l’anarchisme est présenté comme l’invention personnelle de quelques penseurs du 19ème siècle (Proudhon, Bakounine, Kropotkine…) qui inspirèrent ensuite des organisations de la classe ouvrière, s’empêtrèrent dans des luttes politiques, se divisèrent en sectes…

L’anarchisme apparaît couramment dans les études comme le cousin pauvre du marxisme, théoriquement un peu maladroit mais fait pour des cerveaux, peut-être, avec passion et sincérité. L’analogie est réellement fausse. Les « fondateurs » de l’anarchisme ne se voyaient pas comme ayant inventé quelque chose de particulièrement nouveau. Ils considéraient ses principes de base — assistance mutuelle, association volontaire, prise de décision égalitaire— aussi vieux que l’humanité. Il en va de même pour le rejet de l’état et toutes les formes de violence structurelle, inégalité ou domination (anarchisme signifie littéralement “sans gouvernants”) — avec l’affirmation que toutes ces formes sont reliées entre elles et se renforcent. Aucun de ces principes n’étaient considérés comme le départ d’une nouvelle et surprenante doctrine, mais comme une tendance inscrite de longue date dans l’histoire de la pensée humaine et qui ne peut être inclus dans aucune théorie générale d’une idéologie .[1]

D’un certain point de vue c’est une sorte de foi: la croyance que la plupart des formes d’irresponsabilités qui semblent rendre nécessaire le pouvoir sont en réalité les effets du pouvoir lui-même. En pratique, c’est un questionnement constant, un effort pour identifier chaque relation obligatoire ou hiérarchique dans la vie humaine et leur mise à l’épreuve pour en tester la validité, et si cela n’est pas possible — ce qui s’avère généralement être le cas— un effort pour limiter leur pouvoir et donc élargir ainsi la portée de la liberté humaine. Tout comme un soufi pourrait dire que le soufisme est le noyau de vérité derrière toutes les religions, un anarchiste pourrait prétendre que l’anarchisme est l’incitation à la liberté derrière toutes les idéologies politiques

Les écoles du marxisme ont toujours eu des fondateurs. Tout comme le marxisme est né du cerveau de Marx ; nous avons des léninistes, des maoïstes, des althussériens… (Notez comment la liste commence avec des chefs d’états et des classes sociales pour la plupart des professeurs français — qui à leur tour sont capables de donner naissance à leur propre secte : Lacaniens, Foucauldiens….)
Les écoles de l’anarchisme au contraire, émergent presque invariablement d’une forme quelle qu’elle soit de principe d’organisation ou de forme de pratique : Anarcho-syndicalistes et Anarcho-Communistes, Insurrectionnalistes et Plateformistes, Coopérativistes, Conseillistes, Individualistes, etc

Les anarchistes se distinguent par ce qu’ils font et comment ils s’organisent pour le faire. Et en effet, c’est à réfléchir et à débattre de cela que les anarchistes ont passé le plus clair de leur temps . Ils n’ont jamais montré beaucoup d’intérêt pour les diverses grandes stratégies ou questions philosophiques qui préoccupent les marxistes, du genre :est-ce que les paysans représentent une classe potentiellement révolutionnaire? (les anarchistes considèrent que c’est aux paysans de décider) ou quelle est la nature de la marchandise ? Ils ont plutôt tendance à débattre sur la manière réellement démocratique de conduire une réunion, à quel moment l’organisation cesse de donner de la puissance à l’individu et commence à entraver la liberté individuelle. Est-ce que le “leadership” est nécessairement une mauvaise chose? Ou, encore, au sujet de l’éthique de l’opposition aux pouvoirs: Qu’est-ce que l’action directe ? Doit-on condamner quelqu’un qui assassine un chef d’état? Quand est-il juste de lancer un pavé?

Le marxisme, donc, a eu tendance à se constituer en un discours théorique ou analytique sur la stratégie révolutionnaire. L’anarchisme a eu tendance à tenir un discours éthique sur cette même pratique. Il en résulte que, si le marxisme a produit des brillantes théories sur la praxis, c’est la plupart du temps des anarchistes qui ont travaillé sur la praxis en elle-même.

Il apparaît actuellement comme une rupture entre les générations de l’anarchisme: entre ceux dont la formation politique remonte aux années 60 et 70 — et qui ne se sont pas encore débarrassés des habitudes sectaires du siècle dernier— ou qui agissent encore dans ce cadre, et des militants plus jeunes beaucoup mieux informés, entre autres, à travers les idées des mouvements indigènes, féministes, écologistes et contre culturels. Les premiers s’organisent principalement à travers des Fédérations Anarchistes en vue telles que IWA, NEFAC ou IWW. Les seconds travaillent avant tout à travers les réseaux du mouvement social mondial comme Peoples Global Action, qui réunit des collectifs anarchistes d’Europe et d’ailleurs avec des groupes allant de militants Maoris en Nouvelle Zélande, des pêcheurs d’Indonésie en passant par le syndicat des postiers canadiens [2]. Ces derniers — que l’on pourrait appeler approximativement des « anarchistes, avec un a minuscule”, sont aujourd’hui de loin la majorité. Mais cela est difficile à affirmer puisque beaucoup d’entre eux ne revendiquent pas très ouvertement leurs affinités. En réalité, ils sont nombreux à prendre si sérieusement les principes anarchistes d’anti-sectarisme et d’évolutivité ouverte qu’ils refusent de se qualifier d’anarchistes pour ces raisons mêmes [3].

Mais les trois points essentiels qui traversent toutes les expressions de l’idéologie anarchiste sont bel et bien là — anti-étatisme, anti-capitalisme et actions politiques préfiguratives (par exemple,. modes d’organisation qui ressemblent délibérément à la société que l’on veut créer. Ou, comme un historien anarchiste de la révolution espagnol l’a formulé “un effort pour penser non seulement l’idées mais les réalités elles-mêmes de l’avenir”.[4] Cela est présent partout des collectifs contre culturels [jamming] jusqu’à Indymédia, tout cela pouvant être nommé anarchiste au nouveau sens du terme.[5] Dans certains pays, il n’existe qu’un degré limité de confluences entre ’es deux générations coexistantes, principalement sous la forme d’un suivi de ce que l’autre — mais pas beaucoup plus.

L’une des raisons en est que la nouvelle génération est beaucoup plus intéressée à développer de nouvelles formes de pratiques que de débattre sur les plus petits détails idéologiques. L’exemple le plus spectaculaire en a été le développement de nouvelles formes de prises de décision, les prémisses, au moins, d’une culture alternative de la démocratie. Les célèbres spokescouncils* nord-américains ou des milliers de militants coordonnent des actions à grande échelle par consensus, sans structure formelle de leadership, n’en sont que les plus spectaculaires.

A vrai dire, qualifier ces formes de « nouvelles » est quelque peu fallacieux. L’une des principales inspirations pour la nouvelle génération d’anarchistes sont les municipalités autonomes zapatistes du Chiapas, basés à Tzeltal ou Tojolobal — des communautés qui ont utilisé le consensus depuis des milliers d’années — et adopté maintenant seulement par des révolutionnaires pour garantir aux femmes et aux plus jeunes d’avoir une voix égale. En Amérique du Nord, le « processus du consensus” a émergé plus que tout autre chose du mouvement féministe des années 70, comme une vaste réaction négative contre le style macho de leadership typique de la Nouvelle gauche des années 60. L’idée même de consensus a été empruntée aux Quakers, qui eux-mêmes, disent avoir été inspirés par les Six Nations et autres pratiques indiennes.

Le consensus est souvent mal compris. On entend souvent des critiques qui prétendent qu’il engendre une conformité étouffante, mais ces critiques ne proviennent pratiquement jamais de personnes qui ont réellement observé le consensus en action, du moins, guidé par des facilitateurs entrainés et expérimentés (quelques expérimentations récentes en Europe, où il n’existe pas une grande tradition dans ce genre d’exercice se sont révélées quelques peu maladroites). En fait, l’hypothèse de départ est que personne n’est capable de convertir entièrement quelqu’un à son point de vue ou ne le devrait, probablement. Au lieu de cela, le but du processus de consensus est de permettre à un groupe de décider en commun du déroulement d’une action. Au lieu de vas et vient de propositions soumises au vote, ces propositions sont travaillées et retravaillées, amalgamées ou réinventées, avec un processus de compromis et de synthèse, jusqu’à ce que cela se termine par quelque chose qui convient à tous. Lorsque cela arrive à l’étape finale, réellement « trouver un consensus”, il existe deux niveaux possibles d’ objection: On peut “rester à l’écart”, dire “Je n’aime pas cela et ne participerais pas mais je n’empêcherais personne de le faire”, ou “bloquer”, ce qui a l’effet d’un veto. On ne peut bloquer que si l’on pense qu’une proposition est en violation des principes fondamentaux ou des raisons pour lesquelles un groupe s’est constitué. On pourrait dire que la fonction qui , dans la constitution américaine, est délégué aux tribunaux pour annuler des décisions législatives qui violent les principes constitutionnels, est ici délégué à toute personne qui a le courage de s’opposer à la volonté collective du groupe ( avec toutefois, bien sûr, des moyens de contester des blocages sans fondement).

On pourrait continuer longtemps sur les méthodes élaborées et incroyablement sophistiquées qui ont été mises en place pour rendre possible tout ce fonctionnement ; des formes de consensus modifié exigées par de très grands groupes; de la façon dont le consensus lui-même renforce le principe de décentralisation en faisant en sorte qu’on ne souhaite pas présenter des propositions devant un groupe très grand si l’on n’a pas les moyens de garantir l’égalité entre les sexes et ceux de la résolution des conflits … Il s’agit d’une forme de démocratie directe très différente de celle que nous associons habituellement à ce terme — ou, d’ailleurs, avec le type de vote à la majorité habituellement employé par les anarchistes européens et nord-américains des générations précédentes ou encore employé dans, disons, les assemblées argentines classe moyenne urbaine (bien qu’il ne le soit, la plupart du temps, parmi les piqueteros les plus radicaux qui tendent à fonctionner par consensus.) Avec des contacts internationaux toujours plus nombreux entre différents mouvements, l’ inclusion de groupes et de mouvements d’Afrique, d’Asie et d’Océanie avec des traditions radicales différentes indigènes, nous assistons au début d’une nouvelle conception mondiale de la signification du terme “démocratie”, aussi éloignée que possible du parlementarisme néolibéral tel qu’il est généralement défendu par les pouvoirs en place à travers le monde.

Il est difficile de suivre ce nouvel esprit de synthèse en lisant la plupart de la littérature anarchiste actuelle, parce que ceux qui dépensent la plupart de leur énergie sur des questions théoriques , plutôt que sur des formes de pratiques émergentes, sont les plus susceptibles de préserver la vieille logique dichotomique sectaire. L’anarchisme moderne est imprégné d’innombrables contradictions. En même temps que les anarchistes,avec un a minuscule, intègrent lentement des idées et des pratiques apprises de leurs alliés indigènes dans leur mode d’organisation ou au sein de leurs communautés alternatives, la principale trace dans la littérature a été l’émergence d’une secte de primitivistes, une bande notoirement controversée qui appelle à la destruction complète de la civilisation industrielle et même, dans certain cas, agricole.[6] Pourtant, ce n’est qu’une question de temps avant que cette vieille logique du soit/ou laisse place à quelque chose qui ressemblera davantage à la pratique des groupes basée sur le consensus.

A quoi pourrait ressembler cette nouvelle synthèse? Il est possible d’en discerner quelques grandes lignes à l’intérieur du mouvement. Elle insistera sur la nécessité d’approfondir constamment le sujet de l’antiautoritarisme, en prenant ses distances du réductionnisme de classe pour essayer d’englober « l’ensemble des formes de domination », c’est à dire mettre l’accent non seulement sur l’état mais également sur les relations entre sexes, non seulement sur l’économie mais aussi sur les relations culturelles et l’écologie, la sexualité et la liberté sous toutes ses formes, et tout cela non seulement à travers les relations à l’autorité mais également basé sur des concepts plus riches et variés

Cette approche ne nécessite pas une expansion sans limite de production matérielle, ou ne prétend pas que la technologie soit neutre, mais elle ne dénonce pas non plus la technologie per se. Au contraire, elle se l’approprie et l’emploie de différentes manières si cela est approprié. Elle ne se contente pas non plus de contester les institutions per se, ou les formes d’organisations politiques per se, elle essaie de concevoir de nouvelles formes d’institutions et d’organisations politiques pour le militantisme et la société nouvelle, incluant des nouvelles formes de réunions, de prises de décision, de coordination, de la même façon qu’ont déjà été revitalisés des groupes affinitaires et de paroles. Et elle ne dénonce pas seulement les réformes per se, mais lutte pour définir et gagner des réformes non réformistes, attentive au besoins immédiats des gens et à l’amélioration de leur vie ici et maintenant , tout en recherchant des gains plus lointains et, finalement, une transformation totale.[7]

Et bien sûr la théorie doit coïncider avec la pratique Pour être pleinement efficace , l’anarchisme moderne devra inclure au moins trois niveaux : des militants, des organisations populaires et des chercheurs. Le problème du moment est que les intellectuels anarchistes qui veulent dépasser les vieilles habitudes avant-gardistes — les vestiges sectaires marxistes qui hantent encore le monde intellectuel radical— ne sont pas tout à fait sûr de ce qu’est supposé être leur rôle. L’anarchisme doit devenir réfléchi. Mais comment ? D’un côté, la réponse semble évidente. On ne devrait pas faire de conférences magistrales, ni dicter, ni même se considérer comme un professeur mais seulement écouter, explorer et découvrir. Démêler et rendre explicite la logique tacite déjà présente dans les nouvelles formes de pratiques radicales. Se mettre au service des militants en apportant des informations, ou en exposant les intérêts de l’élite dominante, soigneusement cachés derrière une soi disant objectivité, des discours qui feraient autorité, plutôt que d’essayer d’imposer une version nouvelle de la même démarche. Mais, en même temps, la plupart des gens reconnaissent que le combat intellectuel à besoin de regagner sa place. Nombreux sont ceux qui commencent à remarquer qu’une des faiblesses fondamentales de l’anarchisme aujourd’hui, par rapport à disons, l’époque des Kropotkine, Reclus ou Herbert Read, est de négliger précisément le symbolique, le visionnaire et de privilégier la recherche de l’efficacité dans la théorie. Comment aller de l’ethnographie à des visions utopiques — idéalement à autant de visions utopiques que possible? Ce n’est pas une coïncidence si les plus grands recruteurs de l’anarchisme dans des pays comme les États-Unis sont des écrivaines féministes de sciences fiction comme Starhawk ou Ursula K. LeGuin [8].

L’une des raisons pour laquelle cela commence à arriver c’est que des anarchistes commencent à récupérer l’expérience d’autres mouvement sociaux à l’aide d’un corpus théorique plus élaboré, des idées qui proviennent de cercles proches ou inspirées par l’anarchisme. Prenons par exemple l’idée d’économie participative, qui représente une vision économiste anarchiste par excellence et qui complète et rectifie la tradition économiste anarchiste. Les théoriciens de la Parecon exposent l’existence de non seulement deux mais trois classes principales dans le capitalisme moderne: pas seulement une bourgeoisie et un prolétariat mais également une classe de « coordinateurs » dont le rôle est de diriger et contrôler le travail de la classe ouvrière. Il s’agit de la classe qui comprend la l’appareil hiérarchique de direction, les consultants professionnels et les conseillers, ayant un rôle central dans le système de contrôle — comme avocats, ingénieurs, analystes, et ainsi de suite. Ils conservent cette position de classe grâce à leur monopolisation respective de leurs connaissances, compétences et relations. Par conséquent, des économistes et autres travaillant sur cette tradition ont essayé de créer des modèles pour une économie qui éliminerait systématiquement les divisions entre travail manuel et intellectuel. Maintenant que l’anarchisme est devenu clairement le centre de la créativité révolutionnaire, les adversaires de tels modèles se sont, sinon rallié exactement au drapeau, mais ont souligné malgré tout combien ces idées étaient compatibles avec la vision anarchistes.[9]

Des choses similaires commencent à apparaître avec l’évolution des visions politiques anarchistes. C’est un domaine ou l’anarchisme classique avait déjà une longueur d’avance sur le marxisme classique , qui n’a jamais développé une quelconque théorie de l’organisation politique Des écoles différentes de l’anarchisme ont déjà préconisé des formes d’organisations sociales très précises, même si elles sont souvent en nette contradiction les unes avec les autres. Pourtant, l’anarchisme dans son ensemble a eu tendance à mettre en avant ce que les libéraux appellent des « libertés négatives », des ‘libertés contre,’ plutôt que des ‘libertés pour.’ positives. Cela a été souvent salué comme la preuve du pluralisme de l’anarchisme, de sa tolérance idéologique ou de sa créativité. Mais en contrepartie, se sont manifestées la réticence à aller au-delà de formes d’organisations à petite échelle et l’opinion selon laquelle des structures plus grandes et plus complexes pourront être improvisés plus tard dans le même esprit.

Il y a eu quelques exceptions. Pierre Joseph Proudhon a essayé d’inventer une vision globale du fonctionnement d’une société libertaire .[10] Cela est généralement considéré comme un échec, mais a montré la voie pour des visions plus élaborées comme le “municipalisme libertaire” des North American Social Ecologists . Par exemple Il existe un débat animé sur comment équilibrer le contrôle des ouvriers – mis en avant par les partisans de la Parecon — et la démocratie directe , mise en avant par les Écologistes Sociaux.[11]

Pourtant, il existe encore de nombreux détails à régler : quelles sont, dans leur totalité, les alternatives institutionnelles constructives des anarchistes face aux pouvoirs législatifs , tribunaux, forces de police et diverses structures exécutives actuelles ? Comment présenter une vision politique qui englobe la législation, la mise en application, l’adjudication et la défense de ce qui devrait être accompli concrètement de manière antiautoritaire — non seulement pour entretenir un espoir à long terme mais également pour faire part de réponses immédiates face au système électoral, législatif, de maintien de l’ordre, et judiciaire et donc d’offrir de nombreux choix stratégiques. Évidemment, il ne pourra jamais y avoir une ligne de parti anarchiste sur ces sujets, le sentiment général, au moins parmi les anarchistes avec un a minuscule, étant que nous avons besoin de nombreuses visions concrètes. Néanmoins, entre les expérimentations sociales actuelles au sein de communautés autogérées en pleine croissance dans des régions comme le Chiapas et en Argentine, et les efforts des militants/chercheurs anarchistes comme les forums du Planetary Alternatives Network nouvellement créé ou de Life After Capitalism qui commencent à localiser et à recenser des exemples réussis d’initiatives économiques et politiques , le travail est commencé [12]. C’est de tout évidence un processus à long terme. Mais le siècle anarchiste ne fait que commencer.

[1] Cela ne signifie pas que les anarchistes doivent être contre toute théorie. Il n’est pas besoin d’une Grande Théorie au sens habituel du terme aujourd’hui. Nous n’avons certainement pas besoin d’une seule Grande Théorie Anarchiste Cela irait totalement à l’encontre de son esprit. Nous pensons qu’il vaut mieux quelque chose de plus adapté au processus anarchiste de prise de décision : appliqué à la théorie, cela signifierait accepter la nécessité d’une grande diversité de perspectives théoriques, unies seulement par un certain nombre de vues et d’engagements communs. Plutôt que de se baser sur le besoin de prouver que les hypothèses des autres sont fausses, c’est la recherche de projets précis au sein desquels ces perspectives se renforcent mutuellement. Le fait que ces théories sont différentes sir certains points ne signifient pas qu’elles ne peuvent exister côte à côte, voire se compléter, pas plus que le fait que les individus aient des vues uniques et différentes sur le monde n’empêche qu’ils ne peuvent pas devenir amis ou amants ou encore de travailler sur des projets communs. Bien plus qu’une Grande Théorie l’anarchisme a besoin de ce que l’on pourrait appeler une petite théorie : une façon de se colleter avec ces questions réelles, immédiates qui émergent d’un projet de transformation social
[2] Pour plus d’information sur l’histoire passionnante de Peoples Global Action , nous suggérons le livre We are Everywhere: The Irresistible Rise of Global Anti-capitalism, édité par Notes from Nowhere, London: Verso 2003. Voir aussi le site web de PGA :http://www.agp.org
NDT : Je suis plus réservé que les auteurs sur PGA, devenu inactif aujourd’hui semble t’il, même si l’idée de départ était intéressante
[3] Cf. David Graeber, “New Anarchists”, New left Review 13, Janvier— Février 2002
[4] Voir Diego Abad de Santillan, After the Revolution, New York: Greenberg Publishers 1937
[5] Pour plus d’ information : http://www.indymedia.org
*spokescouncils Réunion de groupes affinitaires afin de définir ensemble des actions communes NDT
[6] Cf. Jason McQuinn, “Why I am not a Primitivist”, Anarchy: a journal of desire armed, printemps/été 2001.Cf. le site anarchiste http://www.anarchymag.org . Cf. John Zerzan, Future Primitive & Other Essays, Autonomedia, 1994.
[7] Cf. Andrej Grubacic, Towards an Another Anarchism, : Sen, Jai, Anita Anand, Arturo Escobar et Peter Waterman, The World Social Forum: Against all Empires, New Delhi: Viveka 2004.
[8] Cf. Starhawk, Webs of Power: Notes from Global Uprising, San Francisco 2002. Voir aussi: http://www.starhawk.org
[9] Albert, Michael, Participatory Economics, Verso, 2003. Voir également: http://www.parecon.org
[10] Avineri, Shlomo. The Social and Political Thought of Karl Marx. London: Cambridge University Press, 1968
[11] Voir The Murray Bookchin Reader, édité par Janet Biehl, London: Cassell 1997. Egalement le site web de lnstitute for Social Ecology: http://www.social-ecology.org
[12] Pour plus d’information sur le forum Life After Capitalism :http://www.zmag.org
————————————————————————————————————-
David Graeber (né le 12 février 1961) est un anthropologue et militant anarchiste américain. Auteur de plusieurs ouvrages dont
Fragments of an anarchist anthropology. Chicago: Prickly Paradigm Press (2004)
Debt: The First 5000 Years. Brooklyn, N.Y: Melville House. (2011)

Andrej Grubačić est enseignant universitaire, sociologue, militant anarchiste
Auteur de plusieurs ouvrages en serbe et en anglais dont Don’t Mourn, Balkanize!: Essays After Yugoslavia. PM Press. (2010)

Textes et Documents

Filed under: Textes et Documents — R&B @ 10 h 02 min

Cette rubrique contient des textes et documents généralement traduits (de l’anglais uniquement) et inédits en français.

Les traductions sont bien sûr perfectibles.

Les textes et document mis en ligne ici sontcopyleft et peuvent donc être repris librement sous quelle que forme que ce soit.

Powered by WordPress